7 juillet 1830 : Lettre de Franà§ois-Charles à  Saveuse

Résumé de la lettre

Franà§ois-Charles écrit à  son frère Jacques-Philippe Saveuse de Beaujeu habitant au Canada. Il lui fait part de ses problèmes financiers. Sa femme a été malade et leurs fournisseurs leur refusent tout crédit. L’argent que Saveuse lui a envoyé n’a pas suffit et il l’implore de lui envoyer de l’argent, disant que si cette prière est exaucée, sa femme et lui quitteront la campagne, se priveront de domestique et essaieront de vivre de leurs rentes.

Mots clés

Organisation sociale, activités économiques

Transcription


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Lettre du 7 juillet 1830, page 1

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Le 7 juillet 1830

Te faire le détail, ami, de toutes les peines qui nous ont accablés
depuis ton départ, serait une énumération aussi longue qu’en-
nuyeuse. Je me bornerai donc à  te dire que jamais position n’a
été plus affreuse que la notre. Se voir au milieu d’un hyver des
plus rigoureux; manquer de bois, ne pouvoir màªme obtenir
de nos fournisseurs la plus simple nouriture, passer dans
leur esprit pour banqueroutier, perdre en un instant toute
la considération que notre économie, notre éxactitude dans
nos payemens, nous avaient acquise depuis vingt cinq ans,
ma femme désespérée, souffrante; et moi! Ta sensibilité
me comprend, sans doute…

Accablés sous le poids d’une semblable infortune, pourquoi
me diras-tu, ne pas vendre vos meubles? Mais notre
propriétaire s’y serait opposé, puisqu’ils répondent de
la location. Ma femme s’est empressée de vendre le peu
de bijoux qu’elle avait, cette faible somme a produit
l’effet d’une goutte d’eau dans la riviere, les dix neuf cents
francs que tu nous a fait passer leur ont été partagés à  l’instant[1];
hébien! Qu’en est-il résulté? Que nous nous sommes
dépouillés sans pour cela, avoir obtenu plus de confiance
de la part de ces injustes personnages, puisque nous
leur devons encore quatre mille francs[2]; dette que je n’aurais
jamais contractée, si je n’eusse pas été trompé par
l’assurance que le gouvernement nous a donnée sur
des indemnités qui, à  mon à¢ge, deviennent de plus en plus illusoires.


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Lettre du 7 juillet 1830, page 2

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à€ qui donc, mon ami, avoir recours? La providence
ne semble-t-elle pas t’opposer à  mon malheur? Tu le
sais, ami, nous n’avons que deux mille francs pour
toute éxistence[3]; comment dis-je, avec d’aussi faibles
moyens, pouvoir vivre et nous liquider de la somme
en question? De grace, cher frère, pénàªtre toi de nos
souffrances; vois la faible santé de ma femme, songe à 
mon grand à¢ge, et d’après mon à¢me, je ne puis penser
que tu refuse à  me tendre une main fraternelle!

Mme de Beaujeu t’a écrit au mois de janvier dernier[4], elle
te faisait le tableau de nos peines, te priait, te
conjurait de nous avancer quatre mille francs, en retenant
chaque année la moitié de la pension que tu nous fais
passer. Mais sa lettre est restée sans réponse; elle ne t’est
point, sans doute, parvenue. Aujourd’huy, cher frère, je
me joins à  elle pour te faire la màªme demande, et mon
sort est tellement affreux, que s’il faut abandonner
toute la pension; j’y suis décidé, ne trouvant d’autres
moyens de sortir de l’abyme o๠trop de confiance m’a
plongé. Enfin, mon ami, si ma priére est éxaucée, si
ton amitié, je dirai plus, ta religion, te portent à  faire
quelque sacrifice pour nous tirer de pràªsse; alors nous
quitterons la campagne, n’aurons plus de domestiques,
et nous tacherons avec nos pauvres deux mille francs
d’arriver au terme o๠nous sommes tous destinés.


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Lettre du 7 juillet 1830, page 3

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Adieu, mon frère, sois heureux pour nous deux,
mais rappelle toi bien au sein de ta felicité, les
peines de ton vieux frère.

Le Cte de Beaujeu.

P.S. Ma femme me charge pour toi, et les tiens,
de mille et mille amitiés, je me joins à  elle dans
les màªmes sentimens.
Dis à  George que je lui en veux de n’avoir point tenu
à  la promesse qu’il m’avait faite, de correspondre avec
moi[5].

J’embrasse de tout mon cœur notre bonne sœur
Beaujette.


P03/A.274, Fonds De Beaujeu, Centre d'histoire La Presqu'à®le

Notes

  1. Franà§ois-Charles aurait donc reà§u 1 900 francs pour l'année 1830, montant qui est confirmé dans la lettre du 16 mars 1830 que Jean-Baptiste Thavenet écrit à  Saveuse.
  2. Sur un total de 6000 francs de dettes.
  3. La retraite de colonel de Franà§ois-Charles est de 1 100 francs et la pension de son épouse est de 1 000 francs.
  4. Voir la lettre du 1 janvier 1830.
  5. Dans la lettre du 19 avril 1829, Franà§ois-Charles mentionne que Georges-René, le fils de Saveuse, lui a fait l'offre de correspondre avec lui.
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