On a perdu Pierre Cholet

Documents inédits

La préface de L’enfant perdu et retrouvé ou Pierre Cholet contient des renseignements essentiels pour comprendre le cheminement accompli par Jean-Baptiste Proulx dans la composition de cet ouvrage qui connaà®t un succès indiscutable depuis 120 ans. Toutefois, les faits rapportés dans cette histoire invraisemblable suscitent chez le chercheur éveillé des doutes légitimes quant à  la véracité de certains faits énoncés dans la préface. Dans ce bref article longuement annoté, nous présentons 4 documents qui donnent un éclairage différent sur certains propos tenus par Proulx dans cette préface. Il s’agit pour la plupart de lettres écrites entre le 20 janvier 1885 et le 11 aoà»t 1886. Seront publiés en ligne, au cours de la prochaine année, d’autres documents traitant de Pierre Cholet et du célèbre ouvrage dont il est le personnage principal.

Dans la préface de L’enfant perdu et retrouvé, Jean-Baptiste Proulx écrit avoir rencontré Pierre Cholet pour la première fois en février 1886 à  Montréal chez les sÅ“urs du Bon-Pasteur1.

C'était au commencement de février 1886. J'étais alors chapelain chez les SÅ“urs du Bon-Pasteur, à  Montréal, 182 rue Fullum. Il se présente un inconnu 2.

Cet inconnu, soit Pierre Cholet, aurait alors déposé sur le bureau du chapelain un cahier contenant le récit manuscrit de sa vie aventureuse au long cours.

J'ai écrit ma vie, je l'ai porté à  un libraire qui, après une minute d'examen, m'a répondu, net et franc, que ma rédaction ne supportait pas la lecture. Il m'a renvoyé à  vous: pourriez-vous me peigner et me brosser cela? Mon ami, laissez-moi votre manuscrit, et revenez dans trois jours: nous verrons3.

Ainsi, au début de février 1886, le révérend Proulx, après avoir entendu cet inconnu s’exprimer aussi bien, après sans doute une lecture du manuscrit, et ayant été rapidement convaincu de la véracité des faits inouà¯s devant lui relatés, aurait invité cet ami à  revenir dans la rue Fullum 3 jours plus tard pour lui apprendre qu’il acceptait d’écrire sa vie dans une langue et un style plus acceptables qui témoigneraient mieux de la véracité de ses aventures romanesques.

Je vis qu'il y avait matière à  un petit volume tout-à -fait original, aux aventures romanesques, aux péripéties émouvantes. Quelque chose dans le genre de Geneviève de Brabant, avec cette différence toutefois, que le récit du chanoine Schmid n'est qu'une légende, tandis que la relation de M. Cholet est la pure et simple vérité4.

Proulx invoque pourtant certains empàªchements pour expliquer son retard à  se mettre à  la rédaction du petit volume sur Pierre Cholet. Il mentionne notamment que, le 17 février 1886, il est nommé curé de la paroisse St-Raphaà«l de l’à®le Bizard, soit quelque temps après avoir rencontré Pierre Cholet au début de février.

Sur ces entrefaites, le 17 février, je fus nommé à  la cure de l'Isle Bizard. Le trouble et les embarras d'une installation, les occupations diverses du ministère pastoral, le surcroit de besogne qu'entraine nécessairement une année jubilaire, d'autres travaux littéraires auxquels je dus mettre la dernière main, tout cela fit que le cahier de l'enfant perdu dormit oisif au fond de ma bibliothèque.

Un document contredit cependant l’affirmation de Proulx sur ces entrefaites de la citation précédente. En effet, une lettre, présentée plus bas, de Joseph Demers, directeur du collège de Varennes, nous apprend que la nomination de Proulx à  la cure de l’à®le Bizard était déjà  connue depuis un certain temps5. Le 20 janvier 1886, Joseph Demers écrit à  Proulx pour le féliciter de la nomination ou promotion que vient de lui accorder l’évàªque de Montréal, monseigneur Édouard-Charles Fabre6. Cette lettre semble confirmer que Jean-Baptiste Proulx avait été averti, depuis au moins le 20 janvier 1886, qu’il allait àªtre nommé curé de la paroisse de St-Raphaà«l de l’à®le Bizard. Au moment o๠le chapelain des sÅ“urs du Bon-Pasteur rencontre Pierre Cholet au début de février 1886, on peut présumer qu’il a informé son visiteur de son déménagement prochain dans l’à®le Bizard, question de garder le contact par correspondance avec lui. Jean-Baptiste Proulx a donc accepté de rédiger un ouvrage sur Pierre Cholet en sachant pertinemment qu’il devait déménager et qu’il devait subir les troubles que cela pouvait lui occasionner7. Et, en réalité, il s’est mis immédiatement à  la tà¢che de la rédaction de son petit volume malgré le fait qu’il affirme avoir reporté cette tà¢che au mois de novembre suivant. Il a assurément dit à  Pierre Cholet qu’il se mettait dès que possible à  la rédaction de l’ouvrage comme semble le prouver une lettre et une carte postale que lui a adressées le héros de L’enfant perdu et retrouvé en mars et mai 1886.

Après ses 2 rencontres du début de février 1886 avec Proulx chez les sÅ“urs du Bon-Pasteur, Pierre Cholet est retourné pour peu de temps encore à  sa vie de sacristain à  Ste-Anne-de-Prescott8, Ontario. Son épouse Anna Levac est enceinte de 7 mois environ9. Un mois plus tard, depuis Ste-Anne-de-Prescott, il écrit à  Proulx le 8 mars 1886 pour lui annoncer qu’il déménage à  St-Raphaà«l, Ontario, et le prie de lui écrire à  cette nouvelle adresse. Il lui demande s’il est bien avancer, à  savoir s’il est bien avancé dans la rédaction de l’ouvrage racontant ses aventures. Selon toute vraisemblance, cette lettre serait parvenue à  Proulx le 10 mars suivant à  l’à®le Bizard comme le confirme une carte postale adressée à  Jean-Baptiste Proulx et écrite le 5 mai 1886 dans laquelle Pierre Cholet indique avoir reà§u une lettre de Proulx datée du 10 mars 1886 donnant suite à  la sienne du 8 mars. La lettre du 8 mars et la carte postale du 5 mai de Cholet sont présentées plus bas.

La carte postale écrite le 5 mai 1886 nous apprend que Pierre Cholet demeure à  Rivière-Beaudette, non loin de St-Polycarpe et de St-Raphaà«l, Ontario. Cholet informe Proulx qu’il ne pourra le rencontrer en mai et lui propose plutà´t de le rencontrer au presbytère de l’à®le Bizard à  la mi-juin. Il est presque certain que Proulx a rencontré Pierre Cholet en juin ou juillet 1886 comme semble le confirmer une lettre du 11 aoà»t 1886 et un passage de la préface de L’enfant perdu et retrouvé. Pourtant, dans sa préface, Proulx mentionne que ce n’est qu’au mois de novembre 1886 qu’il a pu étudier quelque peu le cahier qui dormait oisif au fond de sa bibliothèque. Ce qui à  notre avis est faux, puisque Pierre Cholet écrit à  Proulx le 8 mars et le 11 aoà»t 1886 pour lui demander s’il est bien avancé dans sa rédaction. C’est donc que Proulx s’était mis à  l’étude du manuscrit de Pierre Cholet bien avant novembre 1886 à  moins qu’il n’ait raconté à  son correspondant et héros des faussetés sur la production littéraire les concernant tous les deux.

Au cours de l’été 188610, s’étant apparemment rendu à  St-Polycarpe, Proulx y aurait rencontré Pierre Cholet et assurément rencontré la mère du héros, ainsi que le curé de la paroisse, Louis-Zéphirin Champoux11. Dans sa préface, il ne mentionne pas le nom du curé Champoux et ne signale pas explicitement avoir vu Pierre Cholet au cours de cette visite. Il aurait néanmoins constaté une ressemblance entre la mère et le fils; il aurait vu la mère et le fils cà´te à  cà´te selon toute logique. Lors de la màªme visite, Proulx aurait aussi fait circuler une lettre afin de recueillir des témoignages sur les événements de la disparition des enfants Cholet et Doucet de St-Polycarpe, événements survenus en juillet 1845 selon lui.

Dans le courant de l'été, étant allé faire une visite au curé de St-Polycarpe, je me rendis chez monsieur et madame H. Cholet, qui vivent encore. Le père était absent; je fus frappé de la ressemblance qui existe entre la mère et le fils dans la complexion des traits, dans la couleur du teint, et surtout dans le timbre de la voix. La bonne mère est convaincue que Dieu, dans sa miséricorde, lui a ramené son enfant. Personne du reste, dit-elle, dans toute la famille, n'en doute. Ses paroles et ses explications, tant sur l’enlèvement du petit Pierre que sur son retour, s'accordent parfaitement avec celles qui étaient couchées par écrit dans mon cahier.

Comme Proulx semble bien àªtre allé à  St-Polycarpe durant l’été 1886 et qu’il écrit n’avoir commencé à  étudier le cahier de Cholet qu’en novembre 1886, comment peut-il écrire: Ses paroles et ses explications, tant sur l’enlèvement du petit Pierre que sur son retour, s'accordent parfaitement avec celles qui étaient couchées par écrit dans mon cahier.? La réponse: il avait commencé à  étudier le cahier de Pierre Cholet et à  écrire dans son propre cahier bien avant novembre 1886, ou bien les propos de sa préface sont inexacts ou imprécis, sinon trompeurs12.

Lors de son séjour à  St-Polycarpe à  l’été 1886, Jean-Baptiste Proulx prétend aussi avoir levé le baptistaire de Pierre Cholet.

Je levai le baptistaire de l'enfant Pierre Cholet; et son à¢ge se trouve àªtre exactement celui que M. Cholet se donne aujourd’hui. […] J'écrivis une lettre circulaire à  une quinzaine de personnes, bien posées, tout-à -fait dignes de confiance, qui habitaient dans le voisinage de M. Hyacinthe Cholet, lors de l'enlèvement; leurs réponses sont venus confirmer les dires de notre héros.

Nous publierons bientà´t en ligne une lettre qui infirmerait le fait que Proulx ait levé le baptistaire de Pierre Cholet au cours de l’été 188613. Nous avons par ailleurs démontré que les réponses à  la prétendue lettre circulaire de l’été 1886 n’ont été écrites, en tant que témoignages sur les péripéties du faux kidnapping de 1845, qu’au début de mars 1887. Il s’agit des 8 témoignages sur la disparition des enfants dont les originaux sont conservés à  BAnQ et dont une transcription trafiquée est présentée par Proulx dans sa préface. Rappelons que ces témoignages sont en majeure partie faux ou erronés14. Selon toute vraisemblance, Proulx aurait donc rencontré Pierre Cholet et ses parents en juin ou juillet 1886 dans la cà´te Ste-Marie de St-Polycarpe.

Le héros démontre aussi une certaine impatience à  voir publier ses aventures. Il écrit à  Proulx le 11 aoà»t 1886, la lettre est présentée plus bas, et lui demande de nouveau s’il est bien avancé dans la composition de l’œuvre, ce qui indiquerait que Proulx lui avait fait part de l’avancement de son travail d’écriture avant le 11 aoà»t. Dans cette màªme lettre du 11 aoà»t, Pierre Cholet informe aussi le révérend Proulx qu’il a trouvé des acheteurs pour cette Å“uvre relatant sa vie. La lettre semble bien confirmer que les deux auteurs de L’enfant perdu et retrouvé se sont rencontrés au cours de l’été 1886 et que l’œuvre était en chantier bien avant novembre 1886 malgré les affirmations de Proulx lui-màªme fort occupé, écrivait-il, par son déménagement, son ministère, ses activités jubilaires et ses autres travaux littéraires.

En somme, plusieurs affirmations de la préface alambiquée de Jean-Baptiste Proulx sont contredites ou mises en doute par des documents fiables et authentiques. Pierre Cholet serait l’auteur d’un manuscrit écrit par lui, selon lui. Mais ce manuscrit introuvable n’a pas dormi dans la bibliothèque de Proulx jusqu’en novembre 1886 puisque le vénérable abbé a sans aucun doute commencé la rédaction de L’enfant perdu et retrouvé avant la fin de l’hiver 1886. Dans sa préface, Proulx ne mentionne pas explicitement avoir rencontré Pierre Cholet à  St-Polycarpe au cours de l’été 1886, mais c’est plus que probable que la rencontre a eu lieu. Le fait que Proulx ait pu comparer le timbre de la voix de Pierre Cholet avec celui de la mère et pu aussi comparer leur teint respectif semble écarter la probabilité d’une rencontre au presbytère de l’à®le Bizard au cours de l’été 1886. Proulx n’a pas levé le baptistaire de son héros en 1886 bien qu’il écrive avec justesse avoir rencontré le curé de St-Polycarpe, Louis-Zéphirin Champoux. Dans le Fonds Séminaire de Sainte-Thérése de Blainville, nous n’avons pas trouvé l’original ou màªme une copie de la lettre que Proulx dit avoir fait circuler auprès d’une quinzaine de personnes bien posées et dignes de confiance. Enfin, Pierre Cholet espère tirer des profits d’une publication qui ne surviendra néanmoins qu’en juillet 1887 sous le titre de L’enfant perdu et retrouvé ou Pierre Cholet.

Jean-Luc Brazeau
Copyright © Centre d’histoire La Presqu’à®le, 2009.

Extrait d’une lettre de Joseph Demers adressée à  Jean-Baptiste Proulx le 20 janvier 1886. Fonds Séminaire de Sainte-Thérése de Blainville, P017/697, BAnQ.

Lettre de Pierre Cholet à  Jean-Baptiste Proulx, 8 mars 1886. Fonds Séminaire de Sainte-Thérése de Blainville, P017/697, BAnQ. Cette lettre n’est pas de la main de Pierre Cholet.

Carte postale de Pierre Cholet à  Jean-Baptiste Proulx, 5 mai 1886. Fonds Séminaire de Sainte-Thérése de Blainville, P017/697, BAnQ. Cette carte postale n’est pas de la main de Pierre Cholet.

Lettre de Pierre Cholet à  Jean-Baptiste Proulx, 11 aoà»t 1886. Fonds Séminaire de Sainte-Thérése de Blainville, P017/697, BAnQ. Cette lettre n’est pas de la main de Pierre Cholet.


  1. L’ouvrage de Jean-Baptiste Proulx est accessible dans la collection numérique de BAnQ: L’enfant perdu et retrouvé ou Pierre Cholet, Mile-End, Institution des Sourds-Muets, 1887. Pour la préface, voir les pages V à  XIV. Dans la collection numérique de BAnQ, vous avez aussi accès à  plusieurs cartes vous permettant de situer l’édifice des sÅ“urs du Bon-Pasteur dans la rue Fullum.
  2. Dans un ouvrage écrit par une religieuse du Bon-Pasteur, Sous les feux des saints cÅ“urs. Le Bon-Pasteur à  Sainte-Darie 1870-1920, Montréal, Éditions Beauchemin, 1937, p. 82-83, on mentionne que Proulx a été chapelain des sÅ“urs du Bon-Pasteur de 1884 à  1886.
  3. Nous ne pouvons identifier qui est ce libraire érudit qui a aiguillé Pierre Cholet vers Jean-Baptiste Proulx et qui, après une minute d’examen, a statué sur la faiblesse de la prose du manuscrit. Le libraire a lu combien de pages du cahier avant de déclarer que le texte était impubliable? Le libraire devait déjà  avoir une opinion sur Proulx pour le juger apte à  reprendre un tel texte si peu attirant pour un lecteur. Il aurait été juste, sinon intéressant pour le lecteur, que Proulx et Pierre Cholet citent et remercient celui qui avait remarqué l’incurie évidente de l’un et la renommée établie de l’autre. Par ailleurs, dans Le récit de Pierre Cholette. L’enfant perdu et retrouvé 35 ans plus tard, Joliette, Les Éditions du Papivore, 2007, l’auteur, Serge Cholette, appuyé par son préfacier Michel Bélisle, soutient que l’auteur du manuscrit est non pas Pierre Cholet, mais plutà´t Georgianna Brisebois, une jeune fille de 16 ans de Ste-Anne-de-Prescott, laquelle aurait écrit le manuscrit sous la dictée du héros en 1885, au printemps ou à  l’automne. Or, il n’existe pas de preuves tangibles pour défendre une telle assertion sauf des éléments ou des témoignages contestables que Fleurette Meloche Maheu a fournis à  Serge Cholette: 1. Dans un courriel publié aux pages 255-256 de l’ouvrage publié par Serge Cholette, Fleurette Meloche Maheu affirme que sa grand-mère, Georgianna Brisebois, l’avait informée que Pierre Cholet lui aurait lui-màªme raconté son histoire en pleurant, histoire de laquelle la grand-mère aurait produit un manuscrit auquel un pràªtre [Jean-Baptiste-Proulx en l’occurrence] aurait apporté des corrections, puis se serait emparé ensuite des droits d’auteur. 2. Fleurette Meloche Maheu a aussi fourni à  Serge Cholette un document écrit par sa grand-mère Georgianna dans lequel on constate que l’aà¯eule savait écrire. Une partie de ce document est reproduit à  la page 198 du livre de Serge Cholette. Le passage reproduit contient une liste de dates avec des notes généalogiques écrites en 1963 par Georgianna Brisebois alors à¢gée de 94 ans. Dans le document, Georgianna est écrit avec un seul n, alors qu’elle signe son nom avec deux nn en 1888 dans le registre de Ste-Anne-de-Prescott lors d’un baptàªme le 16 décembre 1888. Georgianna Brisebois n’a pas signé le registre de la paroisse de Ste-Anne-de-Prescott en novembre 1885 lors de son mariage avec Edmond Meloche. Certains invoquent le fait que, si le mari ne signe pas, l’épouse ne signerait pas. Il faudrait donc prouver que c’est le cas lors de son mariage. A-t-elle signé son contrat de mariage, si ce contrat existe? Il faudrait connaà®tre davantage la vie de Georgianna Brisebois, baptisée à  Ste-Marthe le 9 février 1869, savoir si elle a fréquenté l’école de Ste-Marthe, si elle a fait des études secondaires ou d’un niveau plus élevé, puisque Serge Cholette prétend ( p. 196 ) qu’elle avait un engagement pour enseigner en septembre 1885. Dans sa jeunesse, Georgianna a-t-elle fréquenté l’école à  Ste-Marthe assez régulièrement pour savoir écrire et pour éventuellement prendre des notes lorsque Pierre Cholet lui aurait raconté le récit palpitant de ses aventures? Dans la préface de l’ouvrage de Serge Cholette, Michel Bélisle affirme quant à  lui que Jean-Baptiste Proulx a occulté le fait que c’est Georgianna Brisebois qui a écrit le manuscrit. C’est une affirmation portée sans preuve puisque le manuscrit original des aventures de Pierre Cholet a disparu ou est introuvable. Pierre Cholet déclare à  Proulx, selon la préface de Proulx en 1887, que c’est lui-màªme qui a écrit sa vie. S’il faut accuser quelqu’un, il faudrait plutà´t accuser Pierre Cholet qui a caché la chose à  Proulx tout en négligeant de mentionner l’apport de Georgianna Brisebois. Mais il est vrai que Pierre Cholet est un illettré qui sait à  peine écrire, telle Georgianna Brisebois, comme semble le démontrer la réponse du libraire inconnu. Quant aux droits d’auteur qui auraient été pillés par Proulx, il est utile de signaler la mention suivante de la page II de l’édition de 1887: Enregistré, conformément à  l’acte du parlement du Canada, en l'année mil huit cent quatre-vingt-sept, par l'INSTITUTION DES SOURDS-MUETS et PIERRE CHOLET, au bureau du Ministre de l'Agriculture. Malgré des recherches effectuées aux Archives nationales du Canada à  Ottawa par madame Diane Grandmaison Besner que nous remercions, l’enregistrement de L’enfant perdu et retrouvé ou Pierre Cholet n’apparaà®t pas au registre. Un mystère plane sur cette affaire de droits d’auteur et d’un manuscrit qui aurait été écrit par Geogianna Brisebois.
  4. On peut lire l’histoire fausse et romancée de Geneviève de Brabant sur Gallica: Å’uvres choisies du chanoine Schmid, Tours, Alfred Mame & Fils, 1894.
  5. Sur Joseph Demers, directeur du collège de Varennes, voir Cyprien Tanguay, Répertoire général du clergé canadien, Montréal, Eusèbe Sénécal & Fils, 1893, p. 467. Dans une autre page de la lettre de Joseph Demers, page non reproduite ici, ce dernier invite Jean-Baptiste Proulx à  assister à  une représentation d’une pièce de théà¢tre qui connaà®t un franc succès au collège de Varennes: Édouard le Confesseur. L’auteur de cette pièce est Jean-Baptiste Proulx lui-màªme, une pièce qu’il a composée dans sa jeunesse alors qu’il était professeur au collège de Ste-Thérése de Blainville.
  6. Le Fonds Séminaire Sainte-Thérèse-de-Blainville, P107/696, contient une copie originale du certificat émis le 17 février 1886 par l’évàªque de Montréal, Édouard-Charles Fabre, nommant Jean-Baptiste Proulx à  la cure de la paroisse St-Raphaà«l de l’à®le Bizard. Proulx remplace le curé à  la barbe fleurie Franà§ois-Xavier Laberge, lequel s’en va officier à  Pointe-Claire. Le 18 février 1886, en page 2, La Minerve annonce la nomination. Le 8 mars suivant, le révérend Proulx signe son premier acte dans le registre de la paroisse de St-Raphaà«l de l’à®le Bizard.
  7. Selon les Annales du monastère de Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur d’Angers dit asile Sainte Darie à  Montréal 1870-1900, p. 89, Jean-Baptiste Proulx quitte ses fonctions d’aumà´nier de la prison des femmes de la rue Fullum le 24 février 1886. Nous ne doutons pas que l’installation de Jean-Baptiste Proulx dans le presbytère de l’à®le Bizard l’ait accaparé une bonne partie de l’hiver 1886 et qu’il a dà» effectuer plusieurs visites de paroisse. Le registre de la paroisse nous apprend qu’entre mars et novembre 1886, le vénérable curé a consigné plus d’une quarantaine d’actes. Proulx a sans doute été aussi fort occupé par des activités reliées au jubilé extraordinaire de 1886 décrété en décembre 1885 par Léon XIII. Une recherche plus exhaustive nous permettra peut-àªtre d’établir l’agenda des activités jubilaires de l’abbé Proulx. Signalons que le curé Joseph Coderre de la paroisse de Ste-Anne-de-Prescott, o๠Cholet avait été bedeau jusqu’en mars 1886, invite Proulx par lettre, le 27 avril 1886, à  venir pràªcher le jubilé pendant trois ou quatre jours en octobre suivant. Nous ignorons si Proulx a répondu favorablement à  la demande du curé Coderre. Quant aux travaux littéraires de Proulx en chantier ou publiés en 1886, soulignons la publication dans La Minerve d’un article le 20 février 1886, puis d’un autre le 9 septembre de la màªme année; nous n’avons relevé aucun autre article entre mars et septembre 1886. Au cours de l’année 1886, Proulx publie à  Montréal chez Cadieux & Derome, avant le 15 juin, son ouvrage A la baie d'Hudson ou Récit de la première visite pastorale de Mgr N.-Z. Lorrain, évàªque de Cythère et vicaire apostolique de Pontiac, dans ses missions sauvages de Témiscamingue, d'Abitibi, de New-Port, de Moose et d'Albany. Arthur Dubuc du Manitoba confirme par lettre la réception de l’ouvrage le 15 juin. Chez le màªme Dubuc du Manitoba, sir Arthur Dubuc, Proulx planifie une visite au cours de l’été 1886. La correspondance entre les deux, conservée à  BAnQ, porte sur la planification de cette visite, mais aussi sur une biographie dont Dubuc serait le héros. En juillet, Proulx annonce sa visite pour bientà´t, mais le voyage est annulé en septembre 1886. Proulx se dit non coupable pour la remise à  plus tard de ce voyage et Dubuc lui écrit de s’armer d’une triple cuirasse, laissant entendre que Proulx ne pouvait quitter l’à®le Bizard en raison de ses obligations pastorales, littéraires ou familiales. Cependant, Proulx reà§oit la visite de l’épouse de Dubuc en octobre. Nous possédons des copies du Fonds P107 des lettres échangées entre Proulx et Dubuc en 1886. Le 27 janvier 1886, Joseph-Moà¯se Valois de la maison d’édition Beauchemin & Valois écrit à  Proulx au sujet du coà»t d’une image à  reproduire dans Cinq mois en Europe ou Voyage du curé Labelle en France en faveur de la colonisation, ouvrage accessible dans la collection numérique de BAnQ. Jean-Baptiste Proulx est l’auteur de ce récit de voyage qui fut publié régulièrement sous forme de lettre dans La Minerve en 1885. Proulx reprend cette correspondance, la révise et la corrige aux fins de publication, mais une inondation frappe la maison d’édition en 1886. Nous ignorons la nature des dommages qui ont pu occasionner un surplus de travail à  Jean-Baptiste Proulx en 1886 pour cet ouvrage qui ne sera finalement publié qu’en 1888. Voir l’épitre dédicatoire au début de l’ouvrage dans laquelle Proulx explique justement le retard à  publier en raison de l’inondation de 1886, d’un incendie au début de 1887 et aussi à  cause de la restructuration de la maison d’édition qui fut connue par la suite sous la dénomination C. O. Beauchemin & Fils. En janvier et en avril 1886, La Patrie et La Minerve rapportent l’importance des dégà¢ts causés par l’eau qui avait envahi la rue des Commissaires et toute la rue St-Paul jusquâ€™à  la rue St-Sulpice. Beauchemin et Valois avaient des bureaux et des entrepà´ts dans la rue St-Paul, dans la rue St-Gabriel et dans la rue des Commissaires. Enfin, le 4 juin 1886, Jean-Baptiste Proulx réclame 300,00$ au gouvernement fédéral qui a publié sans son consentement au début de 1886 une nouvelle édition de la brochure Le guide du colon franà§ais au Canada. Le vénérable abbé exprime ses doléances parce qu’il s’estime pillé par le gouvernement fédéral. Nous ignorons comment le litige fut réglé.
  8. Jean-Baptiste Proulx, Op. cit., p. 192: Pendant trois ans je sonnai la cloche de Saint-Raphaà«l. Croyant faire un bon coup, je l'échangeai pour celle de Ste-Anne de Prescott; mais, dans cette paroisse nouvelle, le métier de sacristain payait encore moins. Je le quittai au mois de mars 1886, pour chercher, dans le vaste univers [à  Rivière-Beaudette?], une industrie qui me rapporterait d'avantage. Ma femme a passé l’année qui vient de s'écouler, à  St-Polycarpe, en pension chez un de mes frères [lequel?]. Par ailleurs, Serge Cholette, Op. cit., p. 198, affirme sans preuve que le curé Joseph Coderre de Ste-Anne-de-Prescott a lu le manuscrit de Georgianna Brsisebois ou de Pierre Cholet et qu’il a recommandé de le porter chez un libraire qui publie des livres
  9. Pierre Cholet a épousé Anna Levac le 20 février 1882. Seul le curé C. J. Duffus signe le registre. Le curé Duffus a commencé son ministère à  St-Raphaà«l, Ontario, le 12 septembre 1881 comme le confirme une note à  la page 2 du registre de 1869-1890. Cela contredit l’affirmation de Serge Cholette, Op. cit., p. 191, selon laquelle le curé Duffus aurait embauché Pierre Cholet comme sacristain peu de temps après la fàªte des Rois de 1881. Le curé Duffus ne peut avoir embauché Pierre Cholet au début de 1881 puisqu’il n’entre en fonction à  la cure de St-Raphaà«l qu’en septembre de la màªme année. Le prédécesseur de Duffus, John Masterson, signe le registre jusqu’au 11 octobre 1881. La première mention de Pierre Cholet au registre de St-Raphaà«l, Ontario, n’apparaà®t que le jour de son mariage le 20 février 1882. La consultation du cahier des délibérations de la paroisse pourra éventuellement nous éclairer sur l’embauche de Pierre Cholet à  titre de sacristain de St-Raphaà«l, Ontario. Émilina Cholet, la fille de Pierre, est baptisée à  St-Raphaà«l, Ontario, le 16 avril 1886. Personne ne signe excepté le curé Duffus. Pour toutes les données sur les baptàªmes, mariages ou sépultures, consulter avec profit les répertoires publiés en ligne.
  10. Seule une lecture attentive de la préface de L’enfant perdu et retrouvé et des recherches externes peuvent amener le lecteur à  conclure que l’été dont parle Jean-Baptiste Proulx est bien celui de 1886. Au cours de l’été ne peut signifier au cours de l’été 1887, puisque Proulx, éminent collaborateur de La Minerve, a quitté Montréal le 18 mai 1887 pour un voyage de mission au Témiscamingue et n’est revenu chez lui dans l’à®le Bizard que deux mois plus tard le 26 juillet. Sur le début de son voyage de mission avec Mgr Lorrain au Témiscamingue, lire les articles du 21 et du 25 mai 1887 dans La Minerve. Le 24 mai 1887, il est au lac Kipawe ou Kipawa; il ne peut donc avoir signé sa préface le 24 mai dans le presbytère de l’à®le Bizard. On peut consulter La Minerve dans la collection numérique de BANQ et y lire tout le récit du voyage de Proulx au Témicamingue, récit publié du 25 mai au 6 aoà»t 1887.
  11. Selon l’acte de sépulture inscrit au registre de la paroisse de St-Polycarpe, Louis-Zéphirin Champoux est né à  Bécancour le 7 juin 1839. Après des études au collège de Nicolet, il est ordonné pràªtre le 15 juin 1867. Il est professeur au collège Masson à  Terrebonne, puis exerce son ministère à  St-André d’Argenteuil et dans la paroisse St-Joseph de Montréal. Il est curé de St-Polycarpe de 1882 jusquâ€™à  son décès, voir aussi Cyprien Tanguay, Op. cit., p. 370. C’est dans cette paroisse de l’ancienne seigneurie de Nouvelle-Longueuil qu’il est décédé le 17 décembre 1899 et est inhumé sous la lampe du sanctuaire le 20 décembre suivant. Il portait le titre de Monseigneur en vertu de sa charge de protonotaire apostolique que lui décerna le pape Léon XIII en 1893. Le curé Champoux s’intéressait à  Pierre Cholet puisqu’il est le scripteur de certaines de ses lettres adressées à  son confrère l’abbé Proulx de l’à®le Bizard.
  12. à€ notre avis, la préface de L’enfant perdu et retrouvé a été écrite entre le 11 mars et le 15 avril 1887, mais des doutes subsistent quant à  la date à  laquelle l’abbé Proulx a mis un point final à  son récit sur Pierre Cholet. Nous reviendrons sur ce sujet dans un prochain article.
  13. Une lettre du curé Louis-Zéphirin Champoux de St-Polycarpe du 15 février 1887 confirmera dans un prochain article que Jean-Baptiste Proulx s’est bien rendu à  St-Polycarpe au cours de l’été 1886. Nous publierons également une autre lettre du curé Champoux du 14 mars 1887 qui contient une transcription faite par le curé Champoux lui-màªme de l’acte de baptàªme de Pierre Cholet du 4 octobre 1840. Nous n’avons pas trouvé de copie de l’extrait de baptàªme de Pierre Cholet dans le fonds P107. à€ l’été 1886, Proulx aura probablement eu accès au registre de la paroisse pour constater, sans plus, l’inscription du baptàªme de Pierre Cholet dans le registre de la paroisse de St-Polycarpe. Proulx aurait-il levé l’extrait en question, puis l’aurait égaré, et fait une nouvelle demande par lettre au curé Champoux au début de mars 1887? C’est possible, mais connaissant la rigueur avec laquelle Proulx s’occupe de ses archives, nous pensons plutà´t que le vénérable abbé n’accorde pas une grande importance à  la trame chronologique de sa préface pour en accorder davantage à  la justification de l’invraisemblable et édifiante histoire de son héros.
  14. Sur la validité des 8 témoignages, nous suggérons la lecture préalable de nos premiers articles parus dans nos pages Web. Précisons seulement ici que, si Proulx a écrit à  15 personnes bien posées et dignes de confiance, il n’existe réellement que 8 témoignages conservés dans le Fonds P107. De la liste des personnes bien posées et dignes de confiance, il faudrait, selon nous, retirer les noms, ainsi que leurs témoignages trafiqués par Proulx, du père de Pierre Cholet et de la mère de Pierre Doucet. Il faudrait aussi retirer les noms, ainsi que leurs témoignages trafiqués par Proulx, d’Isaà¯e Hamelin et de Sophie Cédilot. Si on retire également le faux témoignage d’Honoré Lauzon et celui peu probant de Rodger Duckett, il ne reste plus que les 2 très brefs témoignages de Pierre Giroux et d’Augustin Bélanger. Avec une cueillette de témoignages aux résultats si minces, Proulx peut difficilement corroborer les affirmations de son héros sur son présumé enlèvement.
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