On a perdu Pierre Cholet

De Rivière-au-Tonnerre à  Matane

Dans L’enfant perdu et retrouvé ou Pierre Cholet, l’abbé Jean-Baptiste Proulx nous apprend qu’au début du mois d’aoà»t 1870, le personnage principal du récit a déserté une frégate de la marine de France à  Black Bay au Labrador avec son frère Toussaint. Du mois d’aoà»t au mois d’octobre de la màªme année, les 2 frères auraient parcouru à  pied la Cà´te-Nord du Québec jusqu’au nord de Rivière-au-Tonnerre o๠Toussaint serait décédé et o๠il aurait été inhumé. En octobre et novembre 1870, Pierre Cholet aurait traversé en barque l’estuaire du St-Laurent, puis pénétré dans la baie des Chaleurs. Il aurait ensuite cheminé à  pied dans la vallée de la Matapédia pour se rendre à  Matane. Il aurait atteint la ville de Québec pour ensuite regagner le pays de ses pères après de longues recherches. L’évasion des frères Cholet au Labrador serait survenue 25 ans après un prétendu enlèvement dont ils auraient été victimes en juillet 1845, enlèvement qui les auraient conduits à  St-Malo en France, puis sur les mers du monde. Après avoir reà§u une éducation primaire de plus de 8 ans dans un établissement d’éducation de la compagnie maritime Cottin, les 2 frères auraient travaillé comme matelots entre 1855 et 1870. Ils ràªvaient toutefois de revenir dans leur pays d’origine. Les 2 frères auraient profité d’une escale à  Black Bay au Labrador pour déserter leur poste et, après un long voyage à  pied, Pierre Cholet serait arrivé seul, assez tard, au petit poste de pàªche de Rivière-au-Tonnerre à  la mi-octobre 1870.

Le récit de Jean-Baptiste Proulx sur l’étape nord-cà´tière et gaspésienne de Pierre Cholet comporte plusieurs éléments contestables qui jettent un doute sérieux sur des aventures considérées comme des faits historiques1. Dans ce premier article de deux, nous suivrons le héros au cours des étapes de sa prétendue pérégrination entre Rivière-au-Tonnerre et Percé. Dans un second article, nous le suivrons lors de son périple entre Percé et Matane. Nous entendons démontrer l’irréalisme des faits rapportés dans l’ouvrage de Jean-Baptiste Proulx, le véritable auteur de L’enfant perdu et retrouvé.

De Rivière-au-Tonnerre à  l’à®le d’Anticosti

Vers le 9 octobre 1870, Pierre Cholet aurait quitté un lieu indéterminé sur la Cà´te-Nord du Québec o๠il aurait, 3 jours auparavant, inhumé son frère Toussaint près d’un lac qui pouvait avoir de trois lieues de long sur une lieue et demie de large2. Le lendemain de l’inhumation, il aurait rencontré un Métis, sans nom, demi acadien et demi esquimeaux qui l’aurait hébergé et nourri pendant 3 jours3. Après avoir échangé son uniforme de matelot pour l’habit en loup-marin du Métis, il aurait pris la direction du sud quart sud-ouest afin d’atteindre la mer distante de 6 lieues selon les indications fournies par le Métis4. Plein d’ardeur, il serait parti d’un bon pas en emportant un morceau de caribou sur [son] épaule. Tout en cheminant vers la mer, il ràªvait de retrouver le pays de sa naissance o๠il comptait se faire des amis au milieu de [ses] compatriotes5. Malgré les inconvénients que lui aurait procurés son habit trop chaud et infesté de poux et bien qu’affligé par le sort de son frère mort en cette terre inhospitalière de la Cà´te-Nord, il était alors néanmoins rempli d’espérance et croyait voir apparaà®tre comme dans un mirage la terre paternelle.

Après avoir quitté son ami métis, le héros de L’Enfant perdu et retrouvé aurait marché pendant 2 jours sans donner de précision sur le nombre d’heures qu’aurait pu prendre sa randonnée et sur la nature du sentier qu’il aurait suivi pour atteindre la mer. La première nuit, il dit avoir couché dans l'anfractuosité d'un rocher et àªtre arrivé à  Rivière-au-Tonnerre assez tard, enveloppé dans les ténèbres6. Pierre Cholet informe aussi le lecteur que Rivière-au-Tonnerre est un petit poste de pàªche constitué de 3 maisons. Autant il a pu àªtre précis sur l’heure exacte de la mort de son frère, autant il est imprécis sur l’heure de son arrivée à  Rivière-au- Tonnerre. Il est donc difficile de dire avec certitude à  quelle heure il est arrivé à  Rivière-au- Tonnerre et à  quelle heure il en est reparti. Devant cette imprécision, l’on est réduit à  faire des estimations sur les distances parcourues et sur le nombre d’heures pour les parcourir entre le logis nord-cà´tier du Métis et Rivière-au-Tonnerre ainsi qu’entre Rivière-au-Tonnerre et l’à®le d’Anticosti.

En estimant que Pierre Cholet a marché durant une dizaine d’heures par jour au cours des 2 jours qu’il aurait pris pour atteindre Rivière-au-Tonnerre, nous pensons qu’il aurait pu parcourir une quarantaine de kilomètres à  une vitesse de 2 km/h, étant donné les difficultés du terrain et une montagne à  grimper et à  descendre7. Ce ne sont que des estimations. S’il ne dort que 8 heures par nuit, en 2 jours il aurait pu franchir près de 80 km à  raison de 16 heures de marche à  une vitesse de 2 km/h. On peut se demander pourquoi notre héros ne nous indique pas avec plus de précision o๠se situait le logis du Métis dans cette contrée de tourbes et de lichens moelleux. Pierre Cholet n’a pas daigné nous renseigner sur ce sujet géographique qui lui aurait permis, après avoir prétendument retrouvé ses parents, d’aller lui-màªme se recueillir devant le tumulus sous lequel il dit avoir inhumé son frère TousSt.

Comme le héros serait arrivé assez tard dans les ténèbres, disons vers 22 h, n’est-il pas permis de se demander comment il pouvait savoir qu’il arrivait alors à  Rivière-au-Tonnerre, un si petit hameau si loin de St-Malo, et dont il n’est fait mention nulle part ailleurs dans le récit de l’abbé Proulx? Selon nous, il y peu de chance que des panneaux de signalisation fussent installés à  cette époque le long du sentier suivi par Pierre Cholet et à  l’entrée du petit poste de pàªche. On peut supposer sans preuve toutefois, ce n’est pas dans le texte de Proulx, que c’est au cours d’une conversation avec le Métis que le héros a été renseigné sur Rivière-au-Tonnerre et ses bà¢timents. Il nous semble plutà´t curieux qu’il ait marché pendant la nuit alors que des loups, qu’il dit craindre, peuvent rà´der. Mais n’a-t-il pas un fusil pour se défendre contre les attaques des loups guettant des proies dans les ténèbres?

Si Pierre Cholet sait qu’il est arrivé à  Rivière-au-Tonnerre, c’est qu’il connaà®t la géographie de la région. Il faut signaler qu’il avait l’intention de se rendre à  Mingan ou Natashquan, puis de prendre un navire pour Québec8. Selon le récit de Proulx, il avait été enlevé en juillet 1845 dans la cà´te Ste-Marie de St-Polycarpe à  l’à¢ge de 5 ans et avait passé 25 ans de son existence à  St-Malo au service de la compagnie maritime Cottin9. Il est fort peu probable qu’il ait acquis en France des connaissances aussi précises sur la région de la Cà´te-Nord ou du Labrador. Certaines lectures et la consultation de cartes auraient pu néanmoins lui donner des indications sur la géographie nord-cà´tière. Jean-Baptiste Proulx aurait pu tout aussi bien lui fournir des renseignements sur cette région qu’il dit lui-màªme avoir fréquentée10. Mais pourquoi Pierre Cholet aurait-il potassé des livres de géographie de la Cà´te-Nord, un territoire o๠il raconte s’àªtre perdu et qu’il tente de fuir aussità´t arrivé à  Rivière-au-Tonnerre. Poursuivons tout de màªme l’étude du passage en coup de vent de Pierre Cholet à  Rivière-au-Tonnerre.

En 1850, le petit poste de pàªche de Rivière-au-Tonnerre était habité par 3 familles selon les sources consultées11. Le développement de ce poste résulterait en grande partie par l’installation commerciale des familles jersiaises Robin et Le Bouthillier dans l’exploitation des pàªcheries sur la Cà´te-Nord ou du Labrador 12. Pierre Cholet a toutefois tort d’affirmer qu’il n’y avait que 3 maisons à  Rivière-au-Tonnerre lorsqu’il y est arrivé dans les ténèbres à  la mi-octobre 1870. En effet en 1871, on comptait 14 familles formées de 33 adultes et 32 enfants. Le dénombrement a été effectué par le père Joseph-Octave Perron13. Dans un extrait de l’Appendice No. 31 de 1858 présenté ci-contre, on indique qu’il y avait 5 établissements à  Rivière-au-Tonnerre habités par une quarantaine de pàªcheurs14. Il est plus plausible d’affirmer que la population de Rivière-au-Tonnerre s’élevait à  près de 60 personnes en octobre 1870 et que cette population résidait dans plus de 3 maisons ou établissements. L’abbé Victor-A. Huard a visité Rivière-au-Tonnerre en 1895. Voici comment il décrit le paysage cà´tier de cette localité:

La rivière au Tonnerre arrive au fleuve à  travers des rochers dénudés o๠se brise l’effort des vagues, et les petits vaisseaux ont dans son estuaire, ainsi que dans de petites criques un peu plus à  l’est, des bassins tout à  fait commodes; aussi l’on voit une multitude d’embarcations de pàªche aller s’y mettre en sureté15.

Bien que cette description de l’abbé Huard date de 25 ans après le prétendu passage de Pierre Cholet à  Rivière-au-Tonnerre, il est néanmoins important de remarquer la présence de petits bassins dans lesquels les embarcations de pàªche pouvaient àªtre mises à  l’abri. L’abbé Huard ajoute:

En 1850, il n’y avait, à  St-Hippolyte de la Rivière-au-Tonnerre, que 3 habitants. En ce temps-là , tout le pays était recouvert de grand bois. Les gens de la baie des Chaleurs y venaient déjà  pàªcher durant l’été, mais personne n’y restait l’hiver. Déjà  aussi la maison The Bouthillier Brothers Co., Limited, de Paspébiac, y avait commencé l’exploitation de pàªcheries qu’elle continue encore16.

Placide Vigneau nous apprend que c’est vers 1860, et par la suite, que les entreprises jersiaises de pàªche Robin et Le Boutillier firent des établissements à  Rivière-au-Tonnerre, Magpie et St- Jean17.

Des Jersiais maintiennent donc des installations depuis au moins 1860 près de l’embouchure de la rivière au Tonnerre. Les installations comptent habituellement la maison d’un agent de la compagnie et plusieurs autres grands bà¢timents à  l’usage des employés ou pour le stockage du poisson. Les entrepreneurs jersiais logent leurs employés dans de grandes maisons appelées cookrooms dans lesquelles on trouve un dortoir à  l’étage ainsi qu’un réfectoire, une cuisine et une salle commune au rez-de-chaussée. Cette description des lieux donnent à  réfléchir. Comme Pierre Cholet arrive assez tard le soir et qu’il y a peu de chance que les maisons soient toutes illuminées. On peut se demander comment il a pu les apercevoir et les dénombrer. Il est possible que ce soit Proulx, ou Cholet lui-màªme, qui ait trouvé des renseignements sur Rivière-au- Tonnerre dans une monographie comme celle écrite par l’abbé Huard. En octobre 1870, il y avait sans doute plus de 3 habitations dans le petit poste de Rivière-au-Tonnerre. Un document présenté ci-contre émanant du gouvernement du Canada sous l’Union indiquerait bien la présence de l’agent Théophile Tàªtu de la maison LeBoutillier à  Rivière-au-Tonnerre à  la fin de 1850 ou au début de 186018. Il semble donc que les renseignements fournis par Pierre Cholet sur Rivière-au-Tonnerre soient erronés, ou inventés de toutes pièces.

En arrivant à  Rivière-au-Tonnerre, Pierre Cholet raconte qu’il s’est caché à  une faible distance des habitations, craignant toujours les agents attitrés ou officiers de la frégate. Pourquoi se cacherait-il à  une faible distance des habitations s’il craignait les officiers de la frégate de laquelle il s’était évadé au début du mois d’aoà»t 1870? Ne devrait-il pas au contraire éviter le plus possible de s’approcher des 3 habitations? Pourquoi y aurait-il des agents attitrés ou officiers de la frégate dans l’une des 3 habitations pour l’arràªter ou le dénoncer? Pour quelle raison un capitaine de frégate franà§aise aurait-il envoyé du personnel dans les petits postes de pàªche de la Cote-Nord au Canada afin de retrouver des matelots ayant déserté son navire au Labrador au début d’aoà»t plus de 2 mois auparavant et à  plus de 600 km de Rivière-au-Tonnerre? La Cà´te-Nord est vaste; ce n’est pas le French Shore. La France est en guerre depuis juillet 1870 et va subir une défaite écrasante. La France de Napoléon III a d’autres chats à  fouetter. à€ cette époque, existe-t-il un traité entre la France, le Canada ou l’Angleterre sur les déserteurs? Pourquoi Pierre Cholet ne fait-il pas confiance aux gens de Rivière-au-Tonnerre alors qu’il avait l’intention de faire confiance aux habitants de Natashquan ou Mingan et qu’il va faire confiance au gardien du phare d’Anticosti, à  un Jersiais dénommé Bouthillier de Gaspé, au Jersiais Dégrouchis de Percé et à  un Jersiais de Restigouche? Soulignons que, lors d’une conversation avec son frère Toussaint pendant leur périple sur la Cà´te-Nord, Pierre Cholet aurait déclaré à  son frère que les Jersiais les vendraient pour une brique de lard19. L’enfant perdu aurait-il travaillé pour des Jersiais et été maltraité par eux?

Le héros de Jean-Baptiste Proulx affirme àªtre arrivé à  Rivière-au-Tonnerre un samedi, […] aux environs de la mi-octobre. Le 15 octobre 1870 est un samedi selon le calendrier universel20. Le 8 octobre, le samedi précédent, est-il aux environs de la mi-octobre? La précision chronologique du récit de Proulx semble indiquer que Pierre Cholet avait retenu en mémoire certaines dates de ses aventures, dates inscrites dans le cahier qu’il aurait remis à  Proulx en février 1886, mais rien n’est certain puisque le cahier de Pierre Cholet est introuvable, bien que le cahier ait existé selon la correspondance de Jean-Baptiste Proulx21. Si l’on se donne la peine d’établir les dates marquant le parcours des 2 frères Cholet au Labrador et sur la Cà´te-Nord, il est plausible de conclure que la chronologie du récit est imprécise ou imaginaire tout comme a pu l’àªtre celle que Pierre Cholet a consignée dans son cahier. Mais, en ce samedi soir du 15 octobre 1870, la lune à  son dernier quartier, s’étant levée vers 20 h 30, pouvait donner à  Pierre Cholet assez de lumière pour qu’il puisse distinguer des formes ou des bà¢timents et pour qu’il puisse suivre un sentier en évitant les loups22. Le 9 octobre 1870, la pleine lune s’est levée à  17 h 41.

La chance ou la Providence sourit à  Pierre Cholet. Il aurait aperà§u à  deux arpents du rivage; une barque amarrée à  une bouée. S’il pouvait apercevoir une barque à  120 mètres de la rive, on peut supposer qu’une certaine lumière éclairait les petits bassins de Rivière-au-Tonnerre, et qu’il n’y avait pas de brume23. Mais si le ciel était dégagé en cette nuit du 15 au 16 octobre 1870, n’aurait-il pas dà» aussi voir, à  42 km au large, la lumière du phare de la pointe ouest de l’à®le d’Anticosti24? De quel type de barque s’agit-il? On apprend plus loin dans le récit de Proulx que le héros dort dans le fond de sa barque, que cette barque est munie d’une simple barre du gouvernail, qu’elle comporte des sièges, 2 voiles, donc au moins un mà¢t, un équipet à  la proue et que, apparemment, de l’huile en couvre le fond. Pierre Cholet aurait alors pris la décision de voler la barque parce qu’il croyait sa vie en danger:

J'avais souvent entendu dire que, dans le cas de nécessité, tous les biens sont communs. Étais-je réellement dans une nécessité extràªme? Tout ce que je puis affirmer, c'est que Dieu, qui sonde le fond des coeurs, voyait dans le moment ma bonne foi et la sincérité de mes intentions25

Pierre Cholet, lui, l’écolier de St-Malo, lui, le matelot au long cours, a-t-il entendu en France ou au cours de ses voyages que Nécessité et Providence font loi? C’est là  une morale bien élastique dont la conséquence est tout de màªme de priver de leur gagne-pain des pàªcheurs de Rivière-au- Tonnerre, il nous semble26. Et comme Pierre Cholet affirme qu’il n’y a que 3 maisons à  Rivière-au-Tonnerre, le vol est insignifiant...

En invoquant sa bonne foi et habité par la crainte d’àªtre arràªté, Pierre Cholet se jetterait ensuite dans une petite embarcation montée sur une grève de Rivière-au-Tonnerre et sauterait dans la barque amarrée à  la bouée à  120 mètres de la rive. Afin de ne pas faire de vol inutile, il aurait amarré la petite embarcation à  la bouée avant de prendre le large. La Providence lui aurait fait découvrir 2 grandes voiles pliées sous les sièges de la barque. Il est convaincu que cette màªme Providence lui permet alors de se lancer en pleine mer. N’ayant jamais donné le nom des navires sur lesquels il a navigué à  travers le monde, Pierre Cholet n'indique pas quel était le nom ou le numéro de cette barque de pàªcheur27. Placide Vigneau donne le nom de ses goélettes, mais est-ce que les barques ont des noms ou des numéros inscrits à  la proue ou à  la poupe?

Pierre Cholet se lancerait ensuite en pleine mer, mais, selon nous, non pas vers l’est dans le détroit de Jacques-Cartier. S’il sait o๠se trouve Mingan, il n’ignore sans doute pas que le détroit de Jacques-Cartier est parsemé d’à®lets depuis Rivière-au-Tonnerre jusquâ€™à  Mingan. Il fait nuit quand il quitte Rivière-au-Tonnerre. La pleine mer, n’est-ce pas vers le sud? Par science, par intuition ou grà¢ce à  l’érudition de Jean-Baptiste Proulx, il devrait savoir o๠est la pleine mer vers laquelle il risque moins de frapper des récifs. Dans un petit cabinet ou coffre aménagé dans la poupe de la barque, il découvre une chandelle qu’il a mangée sans faà§on le lendemain midi. Il n’a déjà  plus de caribou seulement 2 jours après avoir quitté son hà´te métis. L’on voudra bien se souvenir que Pierre Cholet a quitté le Métis au nord de Rivière au-Tonnerre moins de 48 heures auparavant avec un morceau de caribou sur l’épaule. Il est difficile d’évaluer la dimension de ce morceau, mais si Pierre Cholet l’a mis sur son épaule, c’est que la pièce de viande devait àªtre assez consistante pour le nourrir pendant plus de 2 jours. On imagine aussi que notre héros a dà» faire, en route vers Rivière-au-Tonnerre, une provision de racinages et d’atocas, denrées qui avaient assuré sa survie pendant sa traversée de 600 km de la Cà´te-Nord. D’ailleurs, pourquoi n’aurait-il pas abattu quelque gibier, avec son fusil, après avoir quitté le Métis? N’est-il pas aussi un matelot qui a travaillé à  surveiller les pàªcheries de France sur le French Shore? Il sait sans aucun doute comment pàªcher la morue et autres poissons qui abondent dans l’estuaire du St- Laurent. Il a màªme abattu un ours quelques semaines auparavant.

En cette nuit du 15 au 16 octobre 1870, la Vierge ferme les yeux et fait souffler sur la barque volée par Pierre Cholet un bon vent arrière: un fort vent d’artimon selon Proulx. Le héros affirme alors s’àªtre dirigé o๠il croyait que l’à®le d’Anticosti était située. Mais s’il sait qu’il est arrivé à  Rivière-au-Tonnerre, ne devait-il pas savoir aussi que l’à®le d’Anticosti est au sud-est!? Il savait d’ailleurs o๠se trouvait Gaspé pour y avoir souvent été pour le compte de la compagnie Cottin. Un fort vent d’artimon du nord ou du nord-ouest le pousserait sans peine vers le large et vers l’à®le d’Anticosti. Pierre Cholet nous apprend de plus que la température était douce au cours de cette nuit de navigation28. Il avait, dit-il, le coeur plein d’espérances; sa barque volait sur la cràªte des flots.

Pierre Cholet profite d’un bon vent arrière ou d’artimon dans sa barque à  2 voiles; il pouvait donc filer 10 km à  l’heure puisque sa barque volait sur la cràªte des flots. La pointe ouest d’Anticosti et son phare ne sont quâ€™à  42 km ou moins au sud-est de Rivière-au-Tonnerre; le phare est màªme visible depuis Rivière-au-Tonnerre. Il quitte Rivière-au-Tonnerre vers minuit, disons, et il n’y a pas de brume; du moins il n’en parle pas. S’il y avait eu de la brume, il aurait été assez imprudent de se lancer en pleine mer sans rien voir devant. S’il avait navigué par temps de brume, il aurait entendu à  plus au moins brève échéance tonner le canon du phare de la pointe ouest ou entendu des détonations de dynamite ou des sifflets de brume29. Selon le récit de Proulx, Pierre Cholet navigue à  pleines voiles jusqu’au lever du jour, soit jusqu’au matin du 16 octobre 1870, soit jusqu'à  environ 6 heures du matin. Puis, il abaisse les voiles parce qu’il craint d’àªtre aperà§u de la rive qu’il a quittée 6 heures auparavant. Il craint une poursuite par les gens de Rivière-au-Tonnerre.

S’il possède 6 heures d’avance sur un éventuel poursuivant, pourquoi abaisserait-il les voiles pour donner une chance à  ce poursuivant de le rattraper? à€ combien de distance de la rive de Rivière-au-Tonnerre est-il possible de voir, au large, une barque de petit tonnage et de faible envergure, à  l’oeil nu ou avec des lunettes d’approche? Si on voit une barque au large, il faut encore pouvoir la reconnaà®tre par un signe particulier. Il faudrait aussi que les habitants de Rivière-au-Tonnerre soient munis de lunettes d’approche leur permettant d’identifier de faà§on sà»re la barque en question avant de se mettre à  sa poursuite; mais avec quelle embarcation? Pendant cette traversée maritime, Pierre Cholet ne signale sur son passage la rencontre d’aucun navire, vaisseau ou goélette30. Nous naviguons sur la mer des probabilités avec le nouvel Ulysse aux mille ruses de Jean-Baptiste Proulx.

Cet Ulysse de la Cà´te-Nord est un marin au long cours possédant une expérience de plus de 15 ans. Il décide à  midi le 16 octobre de faire voile haute. Après approximativement 12 heures en mer, il estime que la convexité de la mer, un phénomène remarqué il y a des milliers d’années par Aristote et Anaximandre, peut le dérober aux regards les plus perà§ants, et màªme aux lunettes d'approche les plus puissantes. Qui va le poursuivre et avec quelle embarcation, puisqu’il a volé la barque à  2 voiles du petit poste de pàªche de 3 maisons? Ce n’est que vers 14 h le màªme jour qu’il dit apercevoir les cà´tes de l'à®le d'Anticosti, ce qui lui confirme qu’il ne s’est pas égaré. Le problème, c’est qu’il aurait dà» apercevoir les cà´tes de l’à®le bien avant, puisque les cà´tes d’Anticosti vers l’ouest sont visibles par beau temps depuis la Cà´te-Nord. La traversée maritime de Pierre Cholet vers l’à®le d’Anticosti nous apparaà®t donc invraisemblable; elle est imaginaire ou plutà´t mal imaginée.

Si Pierre Cholet avait filé à  10 km/h pendant 17 heures, il aurait presque atteint le bassin de Gaspé, distant de 190 km de Rivière-au-Tonnerre. Or, il affirme avoir atteint un phare de l’à®le d’Anticosti après 17 heures de navigation alors que sa barque volait sur la cràªte des flots, sauf pendant une période de 6 heures. Après son départ vers minuit selon notre estimation qu’il faut prendre avec réserve, il affirme avoir abaissé les voiles 6 heures plus tard parce qu’il craignait qu’on ne l’aperà§oive de la rive. Il raconte de plus que vers midi, le lendemain, il fit voile haute considérant avoir franchi une assez bonne distance pour que la convexité de la mer le cache de ceux qui pourraient l’apercevoir. Nous pensons plutà´t qu’au matin du 16 octobre vers 6 h par un ciel clair, Pierre Cholet aurait dà» voir les cà´tes de l’à®le d’Anticosti. à€ notre avis, il devrait donc àªtre rendu à  l’à®le d’Anticosti ou il en était très proche après 6 heures de navigation avec un bon vent. Quoi qu’il en soit, il aurait dà» avoir atteint ou màªme dépassé la pointe ouest de l’à®le. Si Pierre Cholet dit voir apparaà®tre les cà´tes de l’à®le d’Anticosti, c’est qu’il reconnaà®t le paysage de l’à®le. Puisqu’il se croyait perdu, comment peut-il affirmer que ce sont les cà´tes d’Anticosti qu’il voit? C’est parce qu’il savait o๠se trouvait l’à®le? Il reconnaà®t les cà´tes de l’à®le par quels indices? Quand a-t-il visité Anticosti auparavant? Quelles monographies Proulx et Cholet ont-ils lues pour imaginer leur récit? Comment un marin d’expérience peut-il s’égarer quand de plus il sait qu’il est arrivé à  Rivière-au-Tonnerre, qu’il est parti de Black Bay, qu’il sait o๠se trouvent Mingan, Natashquan et Gaspé?

Le récit de L’enfant perdu et retrouvé comporte de plus une erreur majeure quand le héros de Proulx raconte: Je pointai la proue droit sur le phare de l'extrémité nord-est de l'à®le; avec les premières ombres de la nuit, j'arrivais au rivage. Or, il n’y a pas de phare au nord-est de l’à®le d’Anticosti en 1870. En effet, en 1870, il n’y a que 3 phares dans l’à®le d’Anticosti indiqués par les 3 points rouges de la carte ci-contre31. Le trajet le plus court en rouge vers Gaspé passe par la pointe ouest de l’à®le; il y a 190 km environ à  franchir pour atteindre le cap des Rosiers, puis Gaspé. Ce trajet est retenu pas Serge Cholette, mais cela contredit le récit de Proulx qui parle de la pointe nord-est de l’à®le. Le trajet en bleu de 450 km environ, dont 250 km pour atteindre le phare de la pointe est, est celui retenu par J.R. Koenig, laquelle s’en tient au récit erroné de Proulx: elle fait passer Pierre Cholet par la pointe est de l’à®le ou la pointe Bruyère. Koenig déduit probablement que le phare de la pointe nord-est celui de la pointe est32. Les 2 trajets sont impossibles à  réaliser si l’on admet la chronologie de la navigation et la vitesse de la barque retenues par Pierre Cholet. Nous reviendrons plus bas sur l’invraisemblance de ces 2 trajets.

Le premier phare, construit en 1831, est situé sur la cà´te sud-ouest de l’à®le (le point rouge au centre sud de l’à®le); le phare fait 100 pieds de hauteur. Le second phare, construit en 1855, est situé à  la pointe est ou pointe Bruyère; il fait 110 pieds de hauteur. Le troisième phare est celui de la pointe ouest construit en 1858. Ce dernier phare fait 112 pieds de hauteur. Les premiers phares de la cà´te nord de l’à®le d’Anticosti ne furent construits qu’au XXe siècle33. Pierre Cholet aurait donc accosté à  la pointe est ou à  la pointe ouest o๠il aurait été accueilli par le gardien du phare:

La lumière était gardée par un Canadien, qui avait avec lui sa famille. Ils me traitèrent bien, me donnèrent à  manger et à  coucher, et me firent présent d'un pain pour continuer mon voyage le lendemain. Je pensais par devers moi: Que les Canadiens sont de braves gens!

Charles Guay écrit que le gardien du phare entre 1863 et 1877 était Louis Malouin. Le gardien de la pointe est ou pointe Bruyère était un dénommé Gagné. Dans le recensement du Canada de 1871, on relève d’ailleurs la présence d’un Louis Malouin, mais aucun membre de sa famille. Le gardien du phare, Louis Malouin, ne devrait-il pas avoir inscrit dans son registre qu’un certain Louis Marin (Pierre Cholet) a obtenu l’hospitalité au phare en octobre 187034? Le gardien ne pose pas de questions à  Pierre Cholet, lequel ne raconte pas son histoire à  ce brave Canadien. Sur les Canadiens, comme ce bon gardien de phare, Pierre Cholet s’exclame alors qu’il a hà¢te d'àªtre arrivé au milieu d'eux, mes misères alors seront finies. N’y avait-il pas des Canadiens à  Rivière-au- Tonnerre? Le gardien du phare de l’à®le d’Anticosti n’était-il pas un bon Canadien? Chose certaine, Pierre Cholet pense qu’il n’est pas originaire du Labrador, de la Cà´te-Nord ou de l’à®le d’Anticosti puisqu’il file vers Gaspé.

De l’à®le d'Anticosti à  Gaspé

Pierre Cholet aurait donc quitté un phare de l’à®le d’Anticosti le 17 octobre au matin en apportant un pain blanc, une gracieuseté du gardien du phare. Mais la navigation s’avère plus longue et plus difficile selon le récit de Proulx ou le cahier de son héros:

Je passai toute la journée, toute la nuit, et une partie du jour suivant, à  me faire ballotter par la vague35.

De nouvelles complications surgissent à  la suite de cette affirmation de Pierre Cholet selon laquelle il prétend avoir passé plus de 24 heures en mer dans sa barque après avoir quitté un phare de l’à®le d’Anticosti qu’il identifie àªtre celui de la pointe nord-est; là  o๠il n’y a pas de phare en 1870. Rappelons que J.R. Koenig prétend que Pierre Cholet a fait le tour de l’à®le par l’est avant d’atteindre Gaspé, ce qui semble aberrant puisqu’il nous apparaà®t impossible, à  partir de Rivière-au-Tonnerre, d’atteindre le phare de la pointe est en tenant compte de la vitesse de la barque et du nombre d’heures déduit de la citation précédente. Pierre Cholet n’a pu se rendre en 11 heures à  la pointe est de l’à®le d’Anticosti distante de 250 km de Rivière-au-Tonnerre, à  moins d’avoir filé à  22,7 km à  l’heure. S’il filait à  22,7 km/h à  partir de Rivière-au-Tonnerre, après 6 heures de navigation, il aurait été à  136 km de son point de départ. Il aurait été bien engagé dans le détroit de Jacques-Cartier et loin de la vue des habitants pàªcheurs de Rivière-au-Tonnerre qu’ils soient munis ou non de puissantes lunettes d’approche. Pierre Cholet aurait été encore fort éloigné du phare de la pointe est alors qu’il lui aurait resté 110 km à  franchir pour atteindre ce phare. S’il avait filé plein sud à  22,7 km/h pendant 6 heures, il aurait passé au large du phare de la pointe ouest et rapidement aperà§u, en direction de Gaspé, le phare du cap des Rosiers non loin de Gaspé.

Si l’on admet le trajet proposé par Koenig, Pierre Cholet quitterait la pointe est de l’à®le d’Anticosti pour Gaspé vers 8 h du matin. Il naviguerait pendant 33 heures environ. Durant l’avant-midi du 18 octobre, après 28 heures de navigation, il aurait donc dà» apercevoir le phare de cap des Rosiers malgré les difficultés éprouvées à  maintenir le cap en raison de vents contraires. S’il était parti de la pointe est pour Gaspé et que le vent avait soufflé de cà´té, n’aurait-il pas été poussé vers le large dans le golfe Saint-Laurent ou vers les cà´tes dangereuses du sud de l’à®le d’Anticosti, si on suit le récit de Proulx?

Nous laissons au lecteur le soin d’imaginer la dérive de la barque de Pierre Cholet d’après le trajet retenu par Serge Cholette. Le trajet proposé par Koenig par l’est et celui proposé par Serge Cholette par l’ouest ne semblent donc pas réalistes36. Évidemment, Proulx n’a pas fourni de carte illustrant l’odyssée de son héros; une lacune mal colmatée aussi bien par J.R Koenig que par Serge Cholette.

Le Cap Desrosiers était en vue dans le lointain, mais je n'en approchais guère, le vent soufflait de cà´té. Le temps s'était renfroidi, je me tenais blotti au fond de la barque, une main sur la barre du gouvernail, transi, engourdi; je me consolais en mangeant mon pain blanc, je n'étais pas accoutumé à  pareille douceur. Au Labrador, j'avais crevé de faim; sur le vaisseau nous n’avions pour régal que du biscuit noir et dur, qu'il fallait faire tremper, pour l’amollir, avant de le mettre sous la dent.

Si le cap des Rosiers est en vue, Pierre Cholet voit donc le phare qui le domine: le phare le plus haut du Canada pour l’époque et visible du large à  une distance d’au moins 30 km37. Si vers midi, il voit le cap des Rosiers distant de 30 km, il aurait franchi environ 170 km en 28 heures à  partir du phare de la pointe est, soit à  une vitesse de 6 km/h. Par mauvais temps, il filerait donc à  6 km/h. Mais à  6 km/h après 6 heures en dirigeant sa barque vers le sud, il n’aurait été quâ€™à  6 km du phare de la pointe ouest après son départ de Rivière-au-Tonnerre, soit le matin du 16 octobre o๠il dit avoir baissé les voiles. Le phare de la pointe ouest de l’à®le d’Anticosti est presque aussi haut que celui du cap des Rosiers, comment Pierre Cholet ne l’aurait-il pas vu à  une distance de 30 km? La navigation de Pierre Cholet d’Anticosti à  Gaspé nous apparaà®t donc aussi irréaliste que celle de Rivière-au-Tonnerre à  Anticosti.

Au cours de sa navigation vers Gaspé, Pierre Cholet se tiendrait blotti grelottant au fond de sa barque en ayant une main sur la barre du gouvernail; la barque n’est donc pas munie d’une barre à  roue. Pour manoeuvrer une barque avec une barre de gouvernail située à  la poupe, il faut qu’il soit bien intrépide et assez expérimenté. Toute cette navigation semble bien imaginaire. Pierre Cholet gouverne d’une main, mange son pain blanc de l’autre, tout en manoeuvrant les voiles. Le quartier de caribou a déjà  été englouti: le Métis n’a pas été assez généreux et le marin a mangé sa chandelle au miel 2 jours auparavant.

En 15 ans de navigation et pendant les 10 ans qu’il a passé à  l’école de St-Malo, Pierre Cholet veut faire croire qu’il n’a pas été accoutumé à  la douceur de manger du pain blanc. Màªme dans les ports internationaux qu’il a fréquentés, il n’a pu se payer du pain blanc avec sa solde de marin au long cours! S’il a soi-disant crevé de faim au Labrador et sur la Cà´te-Nord, c’est qu’il avait été imprévoyant en désertant sans vivres et habillé légèrement. Comment un matelot d’une frégate du gouvernement de France peut-il travailler avec effort s’il ne mange pas à  sa faim en cette fin du XIXe siècle? Comment est-il possible qu’un matelot qui fait l’exercice au fusil n’ait pas de sac à  dos ou de besace contenant l’équipement essentiel à  des exercices militaires: une gamelle, une tasse, un gobelet, etc.38.

Pierre Cholet aurait presque miraculeusement atteint Gaspé dans sa barque à  partir de l’à®le d’Anticosti. Mais pourquoi ne se dirige-t-il pas directement vers Rivière-au-Renard ou màªme vers Matane ou Le Bic? Pourquoi se rendre à  Gaspé avec l’intention de passer par la baie des Chaleurs quand son but est de se rendre à  Québec?

La nuit me surprit à  l'entrée du bassin de Gaspé; je me couchai sur le plancher de ma barge, et dormis enveloppé dans une voile.

Il arriverait donc à  l’entrée du bassin de Gaspé le soir du 18 octobre, disons vers 17 h39. Il avait quitté le Métis de la Cà´te-Nord le 13 octobre. En tout, entre Rivière-au-Tonnerre et Gaspé, il aurait navigué pendant environ 50 heures, selon le récit de Proulx, pour franchir 450 km selon le trajet proposé par J.R. Koenig, ou 190 km selon le trajet proposé par Serge Cholette. Les érudits de Pierre Cholet ont un problème de 260 km à  résoudre... à€ l’entrée du bassin, il ne lui reste que quelques km à  faire avant d’accoster au port40. On apprend que sa barque est devenue une barge dans laquelle il dit avoir passé la nuit.

Au grand jour, je m'enfonà§ai dans le bassin et j'allai frapper à  la porte de M. Georges Bouthillier, le membre de la chambre.

L’enfant prétendument volé en 1845, ce matelot au long cours qui revient dans son pays natal après 25 ans, connaà®t des membres des parlements du Québec et du Canada, n’est-ce pas surprenant!? Mais comme il savait déjà  à  St-Malo qu’il était originaire du Canada, il s’est probablement mis à  potasser la géographie et l’histoire parlementaire de son pays natal pendant ses études primaires en France et pendant ses voyages au long cours41? Il est permis d’en douter fortement. Quoi qu’il en soit, le 19 octobre au matin, il s’enfonce dans le bassin de Gaspé, disons vers 8 h. Il s’en va déjeuner chez le prétendu député Georges Bouthillier. Pourquoi frappet- il justement à  la porte de ce député ou membre de la chambre? Il le connaà®t?

Les Le Bouthillier possèdent de grandes installations à  Pasbébiac dans la baie des Chaleurs et contrà´lent les pàªcheries à  Rivière-au-Tonnerre et dans une partie de la Gaspésie. Ce sont des Jersiais42. Le hic, c’est que Georges Bouthillier n’est pas membre de la chambre. Proulx et Cholet se trompent de Bouthillier. Dans le recensement de 1871, nous avons découvert un Georges Le Bouthillier: il n’habite pas à  Gaspé, mais à  Percé.

Le seul Le Bouthillier ou Le Boutillier qui soit membre d’une chambre législative en 1870 est John Le Boutillier qui siège comme député de Gaspé et de Bonaventure entre 1833 et 1867. En 1870, il est membre du Conseil législatif du Québec43. Proulx laisse passer cette erreur grossière; il a confiance en Pierre Cholet. Ou il sait que c’est faux et publie màªme si c’est faux? Est-ce que Proulx maquille les noms des personnages de son récit afin de se protéger ou pour protéger des personnes encore vivantes au moment de la publication de L’Enfant perdu et retrouvé en 1887? Toute cette question sur les noms fictifs ou réels des personnages du récit de Proulx demande une autre étude. Mais poursuivons avec l’odyssée de Pierre Cholet alors qu’il se présente à  la porte du prétendu député.

Une vieille femme vint m'ouvrir; elle eut peur de mon costume, elle poussa un grand cri. Ne craignez rien, madame. Je suis un pauvre malheureux, dénué de tout; je viens vous demander à  déjeuner, pour l’amour du bon Dieu. M. Bouthillier survint, il dit à  la femme de me mettre la table. Il me demanda d'o๠je venais, o๠j'allais, ce que je cherchais.

La vielle femme, qui sans doute en a vu d’autres, n’a-t-elle jamais vu un costume de la sorte? La crainte de l’étranger est un thème nettement apparent dans le récit de Proulx. Est-ce une servante, puisque c’est elle qui met la table? Nous l’ignorons. Est-ce l’épouse du membre de la chambre comme l’écrit sans preuve Serge Cholette44? Le prétendu député, qui ne réside pas à  Gaspé mais à  Percé, aurait alors posé plusieurs questions à  Pierre Cholet. Mais pourquoi lui demanderait-il ce qu’il cherchait?

Je ne lui donnai que des réponses évasives, j'appréhendais d'àªtre reconnu, notre vaisseau était venu si souvent dans le port de Gaspé. Le repas terminé, je saluai, remerciai, et remis à  la voile pour Percé.

Pierre Cholet appréhenderait donc d’àªtre reconnu par d’autres personnes circulant à  Gaspé ou y habitant? Bouthillier et la vielle femme ne l’ont pas reconnu sous son déguisement métis. S’il va frapper à  la porte d’un Bouthillier, c’est qu’il sait o๠il réside et qu’il ne sera pas reconnu par lui. Qui dirige Pierre Cholet vers la maison o๠demeure Bouthillier? Ce Bouthillier ne pourrait lui dire: Je suis Georges Bouthillier, membre de la chambre, puisque c’est faux. L’indication, selon laquelle Pierre Cholet est souvent venu dans le port de Gaspé à  bord, non pas de plusieurs vaisseaux, mais à  bord de notre vaisseau, est pour le moins étonnante. Si le vaisseau sur lequel il travaillait comme matelot était venu souvent à  Gaspé, le matelot Pierre Cholet a dà» fréquenter divers lieux de cette ville portuaire et rencontrer plusieurs personnes et pourquoi pas le député, mais le récit de Proulx ne contient pas un mot ou une note sur le port de Gaspé pendant que le héros effectue ses voyages au long cours entre 1855 et 1870, et Proulx ne donne aucun nom de navire sur lesquels aurait travaillé Pierre Cholet comme matelot.

En quelle occasion le vaisseau duquel Pierre Cholet s’était évadé était-il venu à  Gaspé? Pour répondre à  cette question, il faudrait consulter les registres du port de Gaspé dans lequel sont inscrits les arrivées et les départs des navires entre 1855 et 1870. Les registres sont conservés aux Archives nationales du Canada45. Avis aux chercheurs. La recherche de documents prouvant les faits et gestes de Pierre Cholet entre 1846 et 1881 peut conduire à  des découvertes, mais aussi à  d’immenses déceptions. Est-ce que Pierre Cholet travaillait vraiment pour la compagnie maritime Cottin de St-Malo? Si oui, le nom du vaisseau, celui de la compagnie et celui du capitaine devraient àªtre inscrits dans le registre du port de Gaspé. Est-ce que le capitaine du vaisseau s’appelait bien Cottin? Placide Vigneau nous donne le nom des armateurs franà§ais qui pratiquaient la pàªche dans la région du golfe à  son époque; il ne mentionne pas le nom de l’armateur Cottin46. Le port de Gaspé était un port franc entre 1860 et 1866, période pendant laquelle Pierre Cholet aurait pu y accoster sur des vaisseaux de la compagnie Cottin de St-Malo.

Enfin, si Pierre Cholet craignait d’àªtre reconnu à  Gaspé, pourquoi a-t-il fait une escale dans ce port et, de plus pour notre déception, chez un soi-disant député du nom de Georges Bouthillier qui, à´ malheur, n’est pas membre de la chambre et n’habite pas Gaspé? Quoi qu’il en soit, il semble que le bienveillant député Bouthillier ait cru aux réponses évasives de Pierre Cholet. Mais quelles questions le député a-t-il pu lui poser? D’o๠arrivez-vous? Je viens de heu! O๠allez-vous? Je vais à  heu! Que cherchez-vous? Je cherche heu! Voilà  peut-àªtre les réponses évasives d’un étranger arrivant à  Gaspé habillé d’un costume en loup-marin. Pierre Cholet avait sans doute laissé son fusil dans la barque pour ne pas effrayer les bonnes gens! Depuis Rivière-au- Tonnerre, avec Proulx et Cholet, nous naviguons dans le vague et l’extravague.

Avec les réserves qu’il convient de tenir pour tenter de voir plus clair dans les péripéties entourant la navigation de Pierre Cholet en octobre 1870, nous tentons de résumer dans le tableau qui suit le parcours maritime du héros entre Rivière-au-Tonnerre et Gaspé. Nous avons fixé approximativement son départ à  minuit le 15 octobre 1870 en essayant d’exploiter les données imprécises fournies par Proulx. Le trajet qui comporte le contournement de l’à®le d’Anticosti par l’est est retenu màªme s’il nous apparaà®t complètement irréaliste. Le trajet qui comporte une escale au phare de la pointe ouest est quant à  lui tout aussi irréaliste, mais il a l’avantage d’àªtre plus logique, c’est-à -dire aller d’un point A, Rivière-au-Tonnerre, à  un point B, Gaspé, surtout si l’on considère, d’après Proulx, que Pierre Cholet savait o๠étaient situées les localités de Rivière-au-Tonnerre, Mingan, Natashquan et Gaspé.

De Rivière-au-Tonnerre à  Gaspé en passant par l’à®le d’Anticosti
Départ: Pierre Cholet part de Rivière-au-Tonnerre environ vers minuit le 15 octobre 1870. Il navigue pendant 6 heures, met bas les voiles pendant 6 heures et navigue de nouveau pendant 5 heures pour atteindre la pointe ouest de l’à®le d’Anticosti distante de 42 km de Rivière-au-Tonnerre. La température est douce; un fort vent fait voler sa barque sur la cràªte des flots. Arrivée: Pierre Cholet arrive vers 17 h le 16 octobre 1870 au phare de la pointe ouest de l’à®le d’Anticosti, un phare visible par beau temps depuis Rivière-au-Tonnerre. La vitesse moyenne d’un homme à  pied est de 3,5 km/h. En juillet 2008, le nageur bulgare Petar Stoychev a nagé les 32 km de la Traversée du lac St-Jean en 7 heures et 40 minutes, soit à  une vitesse moyenne de 4,17 km/h.
Estimation 1: Pierre Cholet navigue à  une vitesse moyenne de 2,5 km/h pendant 17 heures ou Pierre Cholet navigue à  une vitesse moyenne de 3,8 km/h pendant 11 heures; il franchit 4 km de plus en se laissant porter par le courant pendant 6 heures. Pierre Cholet a parcouru plus de 42 km. Il est donc arrivé au phare de la pointe ouest. Ayant parcouru un peu plus de 42 km, il ne peut cependant avoir atteint le phare de la pointe est situé à  près de 250 km à  l’est de Rivière-au-Tonnerre.
Estimation 2: Pierre Cholet navigue à  une vitesse moyenne de 5 km/h pendant 17 heures. Pierre Cholet a parcouru 85 km. Il a donc dépassé le phare de la pointe ouest. Il est au milieu du fleuve entre la pointe ouest de l’ile d’Anticosti et le cap des Rosiers. Ayant parcouru 85 km, il ne peut cependant avoir atteint le phare de la pointe est situé à  près de 250 km à  l’est de Rivière-au-Tonnerre.
Estimation 3: Pierre Cholet navigue à  une vitesse moyenne de 7 km/h pendant 17 heures. Pierre Cholet a parcouru 119 km. Il a donc dépassé le phare de la pointe ouest. Il est à  environ 30 km du cap des Rosiers. Ayant parcouru 119 km, il voit le phare du cap des Rosiers, mais il ne peut cependant avoir atteint le phare de la pointe est situé à  près de 250 km à  l’est de Rivière-au-Tonnerre.
Estimation 4: Pierre Cholet navigue à  une vitesse moyenne de 9 km/h pendant 17 heures. Pierre Cholet a parcouru 153 km. Il a donc dépassé le phare de la pointe ouest. Il passe devant le cap des Rosiers. Ayant parcouru 153 km, il ne peut cependant avoir atteint le phare de la pointe est situé à  près de 250 km à  l’est de Rivière-au-Tonnerre.
Note: Pierre Cholet arrive assez tard, dans les ténèbres, un soir de la mi-octobre 1870 à  Rivière-au- Tonnerre. Pour atteindre le phare de la pointe est situé à  250 km de Rivière-au-Tonnerre en 11 heures (17 heures de navigation à  2 voiles moins 6 heures de navigation sans voiles), Pierre Cholet doit naviguer, en partie de nuit, à  une vitesse moyenne de 22,7 km/h dans une barque avec un gouvernail de poupe. Mais s’il avait navigué à  cette vitesse de 22,7 km/h vers la pleine mer au sud-est de Rivière-au- Tonnerre, il aurait atteint au lever du jour, en moins de 6 heures, le phare de la pointe ouest visible et probablement illuminé, à  moins que le gardien de la lumière n’eà»t pas respecté l’exigence primordiale de sa tà¢che, soit celle d’allumer la lumière du phare. Si l’on retient le trajet de J.R. Koenig, Pierre Cholet avait environ 450 km à  franchir pour atteindre Gaspé à  partir de Rivière-au-Tonnerre. S’il prend 50 heures pour faire tout le trajet, il aurait navigué à  une vitesse moyenne de 9 km/h. Mais cette vitesse moyenne de 9 km/h ne lui aurait pas permis d’atteindre en 17 heures le phare de la pointe est, puisqu’il n’aurait franchit que 153 km à  partir de Rivière-Tonnerre pour se rendre audit phare de la pointe est situé à  250 km de Rivière-au-Tonnerre. Mais à  9 km/h, il aurait atteint en moins de 5 heures le phare de la pointe ouest.
Départ: Pierre Cholet quitte le phare de la pointe ouest de l’à®le d’Anticosti le 17 octobre 1870 vers 8 h. Il navigue pendant toute la journée du 17 et du 18 octobre avant d’atteindre Gaspé. Arrivée: Pierre Cholet arrive à  l’entrée du bassin de Gaspé vers 17 h le 18 octobre 1870 après avoir navigué pendant 33 heures environ. Gaspé est à  150 km de la pointe ouest de l’à®le d’Anticosti.
Estimation 1: Pierre Cholet navigue à  une vitesse moyenne de 3,5 km/h pendant 33 heures. Pierre Cholet a parcouru 115,5 km. Il est donc rendu au cap des Rosiers.
Estimation 2: Pierre Cholet navigue à  une vitesse moyenne de 5 km/h pendant 33 heures. Pierre Cholet a parcouru 165 km. Il est donc arrivé à  Gaspé depuis quelques heures.

Selon nous, toute cette navigation entre Rivière-au-Tonnerre et Gaspé ressemble à  une pure invention concoctée par Jean-Baptiste Proulx et Pierre Cholet. Le récit de L’enfant perdu et retrouvé a les apparences de la vérité, mais en questionnant le texte, l’on s’aperà§oit du manque de réalisme de ce récit bà¢clé et de la fumisterie qu’il comporte. Selon nous, il s’agit bien du naufrage d’un récit, aux allures historiques, imaginé par Pierre Cholet et propagé par un diffuseur astucieux ou naà¯f, mais érudit, l’abbé Jean-Baptiste Proulx.

De Gaspé à  Percé

Le 19 octobre 1870 après son déjeuner du matin, Pierre Cholet aurait quitté le prétendu Bouthillier de Gaspé et tangué vers Percé. Il mentionne que le vent était bon, si bien quâ€™à  18 h, le màªme jour, sa barque: se balanà§ait entre le petit village de Percé, assis au pied d'une colline, et le grand rocher coupé à  pic, au-dessus duquel voltigent continuellement les goà«lands47.

Si Pierre Cholet quitte Gaspé, disons vers 9 h, et qu’il arrive à  Percé à  18 h, il aurait navigué pendant 9 heures pour franchir les 45 km qui séparent Gaspé de Percé, soit à  une vitesse moyenne de 5 km/h par bon vent. Si, par bon vent, sa barque filait à  5 km/h, il lui aurait donc été possible de franchir la distance entre Rivière-au-Tonnerre et le phare de la pointe ouest de l’à®le d’Anticosti en moins de 7 heures. Avec ce vent favorable, il lui aurait donc été possible d’effectuer le trajet Anticosti-Gaspé en 38 heures. Mais ce bon vent de 5 km/h ne lui aurait jamais permis d’atteindre la pointe est de l’à®le d’Anticosti située à  250 km de Rivière-au-Tonnerre. Mais est-il acceptable de parler de bon vent quand une barque file à  5 km/h, un vent qui par exemple aurait fait voler la barque du héros sur la cràªte des flots entre Rivière-au-Tonnerre et l’à®le d’Anticosti!? Nous pensons qu’il faut un vent fort et soutenu pour faire voler une barque de pàªcheur sur les flots. Dans cette région du golfe St-Laurent, la vitesse des vents est de 7 à  10 mètres par seconde, soit une vitesse minimale de 25,2 km/h. Si Pierre Cholet profite seulement de la moitié de la force des vents, il peut donc facilement parcourir 10 km en une heure. Mais, il lui faut au moins 9 heures pour parcourir les 45 km entre Gaspé et Percé; et 11 heures pour faire les 42 km entre Rivière-au-Tonnerre et l’à®le d’Anticosti48.

Pierre Cholet semble cependant bien connaà®tre la région puisqu’il n’hésite pas avec une barque de pàªcheur à  se lancer en pleine mer pour atteindre des ports qu’il aurait déjà  visités selon ce qu’il raconte. Mais a-t-il visité ces ports réellement ou n’a-t-il pas plutà´t tracé des lignes sur une carte avec l’aide de Jean-Baptiste Proulx, cet abbé qui connaà®t plutà´t sommairement cette région mais qui possède assurément une bibliothèque bien garnie contenant, entre autres, des ouvrages sur la géographie du Québec et du Canada? Il faut remarquer que Pierre Cholet arrive à  18 heures à  Percé, alors que la nuit en octobre est déjà  tombée. On se demande comment il fait pour voir les goélands voltiger au-dessus du Rocher Percé. Est-ce que les goélands volent après soleil couché? Sans doute, Pierre Cholet les a-t-il vus voler le lendemain matin ou lors d’un précédent voyage au long cours pour le compte de la prétendue compagnie maritime Cottin de St-Malo? Aurait-il lu ou consulté des journaux qui publient des images illustrant le vol des goélands au-dessus du Rocher Percé?

Il est 18 h en ce 19 octobre 1870. En accostant à  Percé, Pierre Cholet se présente chez un nommé Dégrouchis un vieillard jersiais, à  la barbe blanche. Est-ce qu’il y a un vieillard jersiais dénommé Dégrouchis à  Percé en octobre 187049? Est-ce un nom inventé postérieurement aux événements? Nos recherches ne nous ont pas permis de découvrir un Dégrouchis vivant à  Percé en 1870 qui soit le père de 3 grandes filles. Il y a bien des De Gruchy en Gaspésie en 1870, mais le recensement du Canada de 1871 ne signale aucun De Gruchy, De Grouchy ou Dégrouchis à  Percé. Par contre, dans ce recensement, on relève à  Percé la présence d’un Georges Le Bouthillier, père de plusieurs enfants dont le plus vieux a 12 ans et le plus jeune 2 ans.

Jean-Baptiste Proulx raconte que les 3 grandes filles de Dégrouchis ont aperà§u Pierre Cholet par les carreaux de la porte. Le père Dégrouchis était probablement à  l’extérieur de la maison puisque les 3 grandes filles s’écrient : Papa, ne logez pas ce vilain sauvage., avant màªme que Pierre Cholet n’ait demandé l’hospitalité de l’autre cà´té de la porte. Elles auraient reconnu le sauvage à  son costume sans doute! Le père refuse de loger le sauvage et lui signifie de filer son chemin. Le héros lui répond tranquillement en bon franà§ais: Mon ami, vous n’avez pas besoin de vous fà¢cher; je vous demandais ce service, non pour l'amour de moi, mais pour l'amour de Dieu. On doit comprendre que le service demandé était celui de l’hospitalité alors que Dégrouchis était à  l’extérieur de la maison. Mais les 3 grandes filles veillaient au grain; elles se tenaient derrière la porte vers 19 h et ont sommé leur père de ne pas loger le sauvage. Cette mise en scène est peu crédible, mais elle a l’avantage de rendre Pierre Cholet plus sympathique que les 3 grandes filles de Dégrouchis imaginées par Jean-Baptiste Proulx et son héros50.

Comme il est au Canada, pourquoi Pierre Cholet parlerait-il une autre langue que le franà§ais puisque c’est sa langue maternelle, celle qu’il a apprise auprès de ses parents de la cà´te Ste- Marie de St-Polycarpe entre 1840 et 1845 et en France entre 1845 et 1870? à€ moins qu’il n’ait appris pendant ses voyages au long cours d’autres langues que le franà§ais! Mais les 3 grandes filles de Dégrouchis crient voir un sauvage. Afin de prouver qu’il n’en n’était pas un, Pierre Cholet s’adresse en franà§ais au Jersiais Dégrouchis, et non pas en belge, en acadien, en breton ou en jersiais? Le jersiais, quelle langue! Si Pierre Cholet s’adresse à  Dégrouchis en bon franà§ais, il ne s’adresse pas à  lui en jersiais. Or, pourquoi Dégrouchis lui demanderait-il s’il est Franà§ais ou Jersiais, puisque Pierre Cholet demandait l’hospitalité en bon franà§ais? Le jersiais n’est pas le bon franà§ais51. Si Pierre Cholet avait fait sa demande d’hospitalité en jersiais, Dégrouchis aurait reconnu immédiatement un de ses compatriotes. La Gaspésie est un endroit o๠la langue jersiaise a des racines profondes qui remontent au milieu du XIXe siècle et màªme avant, et dont plusieurs mots ou expressions sont passés dans le parler gaspésien et acadien.

Comme j'arrivais à  la grève, il me rappela: Étranger, arràªtez. àŠtes-vous Franà§ais ou Jersiais ? On dit que je suis Canadien. De quelle partie du Canada? Je serais bien en peine de vous l’apprendre. J'ai été volé encore petit enfant, et maintenant j'essaie de retourner dans mon pays, pour y chercher mes parents. Mais bonsoir, monsieur, il se fait tard, et il faut que je me dépàªche pour trouver un logis. Revenez, dit-il, et passez la nuit ici.

Pierre Cholet est-il un Acadien ou un Ontarien? Si notre héros est bien en peine de dire de quelle partie du Canada il est originaire, c’est qu’il ne peut préciser s’il est originaire du Québec ou des autres provinces du Canada, mais pendant 9 ans, entre 1871 et 1881, il va demeurer en Ontario. Comme le Canada n’a été créé comme pays qu’en 1867, il faut alors se demander qui sont les on qui disent que Pierre Cholet est un Canadien, un Canadien-franà§ais? Des surveillants de l’école de St-Malo lui ont dit? Son capitaine Cottin lui a dit? Ou Jean-Baptiste Proulx lui a dit? Pierre Cholet pourrait répondre qu’il n’est pas natif de Rivière-au-Tonnerre ni de la Cà´te-Nord, ni d’Anticosti, ni de Gaspé. Il veut màªme se rendre le plus rapidement possible à  Québec. Pourquoi cherche-t-il un logis puisqu’il peut dormir sous les sièges de sa barque enveloppé dans des voiles? Il raconte son histoire à  un Jersiais. Pourtant, il se méfie des Jersiais qui pourraient le vendre pour une brique de lard. Pourquoi Pierre Cholet n’a-t-il pas vendu sa barque à  Gaspé et n’a-t-il pas pris un steamer pour Québec? De la Gaspésie, il aurait màªme pu avoir un passage pour Québec sur les goélettes qui vont livrer du poisson en octobre dans la capitale.

Quand il eut entendu mon histoire, de grosses larmes coulaient le long de ses joues, et il se reprochait de m'avoir refusé le couvert. Aussi, disait-il, c'est la faute des créatures, qui ont peur de tout. Je ne puis les blà¢mer, répondis-je; en face d'un passant aussi bizarrement accoutré, sale, noir, couvert d'huile, peut-àªtre n'aurais-je pas agi autrement.

Après la narration de l’histoire et les grosses larmes du bon samaritain Dégouchis d’origine jersiaise, pourquoi ce dernier, au lieu de s’en prendre à  ses 3 grandes créatures, n’a-t-il pas aidé Pierre Cholet à  vendre sa barque, à  retrouver ses parents, à  le diriger vers le curé de Percé, vers l’administration municipale ou régionale, ou vers les autorités policières? Pourquoi ne pas lui offrir des vàªtements? Si Pierre Cholet raconte son histoire, il doit bien raconter qu’il arrive de chez le député dénommé Bouthillier de Gaspé. Les De Gruchy (Dégrouchis) de la Gaspésie connaissent assurément leur compatriote jersiais, le dénommé Bouthillier membre de la chambre? Comme Pierre Cholet déclare àªtre couvert d’huile, il est permis de penser que sa barque servait à  pàªcher la morue ou le hareng en cette fin de saison de pàªche. Le héros de Proulx a-t-il dormi avec son habit huileux et infesté de poux dans la maison de Dégrouchis aux 3 grandes créatures? Absolument pas, puisqu’il n’y a pas de vieillard Dégrouchis à  la barbe blanche à  Percé en 1870. Selon le récit de Proulx, le lendemain 20 octobre après déjeuner, Pierre Cholet aurait quitté les Dégrouchis, ne résidant pas à  Percé, pour s’enfoncer plus loin dans la baie des Chaleurs en manoeuvrant en expert la barque à  2 voiles qu’il avait volée à  Rivière-au- Tonnerre.

Conclusion

La traversée maritime de Pierre Cholet entre Rivière-au-Tonnerre et Percé relève à  notre avis de la fiction. Plusieurs facteurs témoignent en faveur de l’invraisemblance de cette traversée maritime: description inexacte des lieux, personnages imaginaires, douteux ou sans nom, imprécisions chronologiques et géographiques, navigation irréaliste, interventions littéraires ou érudites de Jean-Baptiste Proulx, renseignements fautifs, etc. Cet épisode maritime est bien imaginé, mais il ne résiste pas à  la critique.

Les questions fusent abondamment dans cet article, et cela est dà» principalement au fait qu’un doute primordial plane sur les aventures de Pierre Cholet. En effet, comme nous l’avons déjà  exposé dans nos articles précédents, il n’y a pas eu d’enlèvement par un colporteur en 1845, Pierre Cholet n’est pas demeuré en France à  St-Malo entre 1845 et 1870, il n’a pas travaillé pour la compagnie maritime Cottin de St-Malo, il n’a pas fait naufrage, il n’a pas été fouetté, etc. Longue est la liste des erreurs et des faussetés que l’on peut relever dans le petit roman de Jean-Baptiste Proulx. Pour produire un récit vraisemblable, il faut aussi àªtre assez malin pour inventer une histoire qui tienne compte des réalités historiques, or Proulx et son héros ont produit une histoire aux péripéties rocambolesques, parfois palpitantes, que des recherches précises dans les archives et les documents d’époque contredisent de faà§on évidente. à€ la lumière des données que nous avons recueillies et des invraisemblances que nous avons démontrées, il nous apparaà®t clairement que la traversée maritime de Pierre Cholet entre Rivière-au-Tonnerre et Percé doit àªtre considérée comme un autre exemple des falsifications perpétrées dans L’enfant perdu et retrouvé ou Pierre Cholet.

Ci-bas, un tableau résume l’odyssée de Pierre Cholet entre Rivière-au-Tonnerre et Percé.

Jean-Luc Brazeau
Copyright © Centre d’histoire La Presqu’à®le, 2009.

De Rivière-au-Tonnerre à  Gaspé en passant par le phare de la pointe ouest de l’à®le d’Anticosti
LieuDateDétails sur l'étape
Au nord de Rivière-au-Tonnerre 13 octobre 1870 Pierre Cholet quitte un Métis qui l’aurait hébergé pendant 3 jours, puis il se dirige vers la mer située au-delà  d’une montagne au sud quart sud-ouest.
Rivière-au-Tonnerre 15 octobre 1870 Arrivée de Pierre Cholet assez tard un samedi soir de la mi-octobre. Il aurait marché pendant 20 heures et franchit environ 40 km en 2 jours de marche, soit à  une vitesse de 2 km/h. Il aurait volé une barque un peu avant minuit.
Anticosti 16 octobre 1870 Arrivée de Pierre Cholet vers 17 h au phare de la pointe ouest de l’à®le d’Anticosti. Le héros a franchi 42 km en environ 17 heures de navigation, soit à  une vitesse moyenne de 2,5 km/h. Il couche au phare de la pointe ouest.
Gaspé 18 octobre 1870 Arrivée de Pierre Cholet à  Gaspé vers 17 h après environ 33 heures de navigation. Il a franchi 190 km, soit à  une vitesse de 5,75 km/h. Il couche dans sa barque et va déjeuner chez un député, un dénommé Bouthillier.
Percé 19 octobre 1870 Arrivée de Pierre Cholet à  18 h à  Percé. Il navigue pendant environ 9 heures pour franchir 45 km, soit à  une vitesse de 5 km/h. Il couche chez un dénommé Dégrouchis. Pierre Cholet quitte Percé pour Carleton le matin du 20 octobre 1870.
Note: Nous rappelons que la date de l’arrivée de Pierre Cholet à  Rivière-au-Tonnerre, également la date de son départ soit celle du 15 octobre 1870, est déduite d’un renseignement chronologique fourni par Jean-Baptiste Proulx dans L’enfant perdu et retrouvé, p. 83-84.

Je marchai deux jours. Je passai la première nuit dans l'anfractuosité d'un rocher; le second soir, assez tard, enveloppé dans les ténèbres, j'arrivai à  la Rivière-au- Tonnerre, petit poste de pàªche composé de trois maisons. Je me tins caché à  une faible distance des habitations, craignant toujours les agents attitrés ou officiers de la frégate. C'était un samedi, nous étions aux environs de la mi-octobre.

à€ notre avis, il faut accepter que le samedi soir de la mi-octobre 1870 est bien le 15 octobre et non pas le 8 ou le 22. Quant à  savoir si Pierre Cholet avait un calendrier sur lui pour pouvoir affirmer qu’il est arrivé à  Rivière-au-Tonnerre un samedi… On peut discuter sur la date et échafauder un autre tableau proposant une date entre le 8 et le 22 octobre, il n’en demeure pas moins que, ce qui est invraisemblable, c’est le temps que Pierre Cholet prend pour naviguer de Rivière-au-Tonnerre à  Percé en passant par l’à®le d’Anticosti et Gaspé, tout en tenant compte de la vitesse approximative d’une barque de pàªcheurs poussée par les vents de l’estuaire et du golfe St-Laurent.

  1. Lire les 4 premiers articles sur les aventures de Pierre Cholet. Voir les liens en haut à  droite. L’ouvrage de Proulx est accessible dans la collection numérique de BAnQ: Jean-Baptiste-Proulx. L’enfant perdu et retrouvé ou Pierre Cholet, Institution des Sourds-Muets, Mile-End, 1887. Sur les péripéties de la rencontre de Pierre Cholet avec un Métis, lire les pages 77 à  83.
  2. Il est difficile d’établir la date exacte de la mort de Toussaint Cholet. Si l’on accepte que Pierre Cholet arrive à  Rivièreau- Tonnerre le samedi 15 octobre 1870, il faut alors compter 10 jours à  rebours pour établir que la date du décès de Toussaint est le 5 octobre 1870 à  midi. Par contre, si l’on admet que l’évasion des deux frères Cholet à  Black Bay a eu lieu le 3 aoà»t 1870, on découvre, en suivant les indications fournies par Proulx, que Toussaint Cholet serait décédé le 19 ou le 24 septembre 1870 à  midi. Pierre Cholet avait-il perdu la notion du temps? Pourtant, il est très précis sur l’heure de la mort son frère et il ajoute màªme àªtre arrivé un samedi soir de la mi-octobre à  Rivière-au-Tonnerre. Sur toute cette question chronologique, il faut relire attentivement Jean-Baptiste Proulx, Op. cit., p. 46 à  84. Par ailleurs, on peut s’interroger sur la faculté de Pierre Cholet à  donner les dimensions d’un lac aussi grand dont il n’a pas fait le tour selon toute vraisemblance.
  3. Il y aurait toute une étude généalogique à  entreprendre pour vérifier s’il y a bien eu des relations matrimoniales entre des Acadiens et des Inuits au milieu du XIXe siècle, desquelles relations serait issu un Métis, à  l’accent acadien, qui aurait rencontré Pierre Cholet sur la Cà´te-Nord à  l’automne 1870. Selon Antoine Bernard, Histoire de la survivance acadienne 1755-1935, Montréal, Les Clercs de Saint-Viateur, 1935, p. 372, ce n’est qu’en 1854 que les premiers Acadiens, des à®les de la Madeleine, émigrent sur la Cà´te-Nord. Quant à  l’échange d’habit, cela nous apparaà®t plutà´t incongru. Si Pierre Cholet s’est évadé au mois d’aoà»t vàªtu en circonstance pour des exercices militaires, il est peu probable qu’il ait revàªtu des habits le protégeant contre les rigueurs du climat qui pouvait sévir au cours des 2 mois suivant son évasion. Alors, que pourrait bien faire un Métis d’un habit peu adapté à  sa condition de chasseur isolé? Le bon Franà§ais civilisateur ne propose-t-il pas un échange inégal à  ce demi-sauvage qui se laisserait berner naà¯vement par la pacotille étrangère ou par la mode étrangère? Peu vraisemblable. Il faut aussi se demander quelle conversation a pu tenir Pierre Cholet, pendant 3 jours, avec son hà´te Métis parlant acadien. Rien ne transparaà®t de la conversation entre eux et Pierre Cholet de donne pas le nom de ce sauvage inconnu si généreux pour lequel il cite de mémoire, avec l’aide de Jean-Baptiste Proulx probablement, un verset biblique adapté, mal typographié et syntaxiquement boiteux: Qu'il fait bon, dans l'affliction, de rencontrer un coeur compatissant! Je prie Celui qui récompense un ver d'eau froide donné en son nom, d'àªtre la récompense de ce sauvage inconnu qui me rendit à  la vie, et qui me remit sur la route du monde habité. Voir Mathieu, 10,42 et Marc, 9,41. Le passage de cette citation a été entièrement coupé par Serge Cholette, Le récit de Pierre Cholette. L’enfant perdu et retrouvé 35 ans plus tard. Joliette, Papivore, 2007, p. 62. Un correcteur attentif a cependant relevé cette erreur. Le mot ver a été remplacé par le mot verre dans les éditions postérieures à  celle de 1887. J.R. Koenig, Lost and Found Again or Pierre Cholet. New York, 2007, p. 67, commet une mauvaise traduction de ce passage et ne cite pas les Évangiles.
  4. Dans Jean-Baptiste Proulx, Op. cit., p. 81, Pierre Cholet demande au Métis:"Ai-je loin, lui demandai-je, pour me rendre à  la mer? Six lieues. De quel cà´té se trouve-t-elle ? Par derrière cette montagne." Il me montrait de la main le sud quart sud-ouest. On remarquera que le Métis n’indique pas un point cardinal en particulier, mais une direction vers une montagne. Nous avons bien cherché cette montagne sur une carte mais ne pouvons la trouver. C’est Pierre Cholet qui déduit que c’est le sud quart sud-ouest; il ne s’était donc pas perdu puisqu’il sait immédiatement s’orienter. Comme ce matelot au long cours sait qu’il est au Labrador ou sur la Cà´te-Nord, il doit savoir pertinemment que la pleine mer se trouve au sud.
  5. Pierre Cholet ajoute: … je me ferai des amis au milieu de mes compatriotes, c'est un plaisir que je n'ai jamais goà»té. Il n’a pu avoir d’amis au Canada, puisqu’il vivait en France. Nous ignorons s’il avait gouté à  cette amitié en France parmi ses confrères de classe, dont des enfants des officiers de la compagnie Cottin, et parmi les gens de mer qu’il a cà´toyés pendant 25 ans. Il ne mentionne le nom d’aucun de ses amis. Son seul ami est son frère Toussaint màªme pendant son absence alors qu’il était en pension au collège duquel il est sorti fort instruit après 3 ans. Voir Jean-Baptiste Proulx, Op. cit., p. 28-29: Le capitaine Cottin mit Toussaint à  l’école, en pension, dans la ville de St- Malo. Il était encore trop faible pour la manoeuvre, et un peu maladif. Je ne suis pas très grand, je puis mesurer cinq pieds et sept pouces; Toussaint était plus petit que moi, mais plus épais, plus trappu [sic]. Il passa trois ans au collège, il en sortit joliment instruit.
  6. Sur le parcours de Pierre Cholet du Labrador à  l’à®le d’Anticosti, voir Jean-Baptiste Proulx, Op. cit., p. 83 à  86.
  7. Selon les indications fournies par Proulx, la tombe du frère de Pierre Cholet serait située à  une vingtaine de kilomètres du logis ou de la cabane du Métis. Dans une communication de 2002, Greg Sholette mentionne les efforts d’Antonio Cormier pour retrouver cette tombe: He [Antonio Cormier] then told us that he believes that he has indeed located the pond beside which Pierre had buried his younger brother Toussaint. His next step will be to return to the spot with a group of helpers in order to find the actual pile of rocks that Pierre made to mark the grave. Lire l'article en question. Nous n’avons pas eu d’écho que les recherches d’Antonio Cormier aient été fructueuses depuis ce temps.
  8. Jean-Baptiste Proulx, Op. cit., p. 53-54: Voici le plan que nous arràªtà¢mes: nous remonterions la cà´te du Labrador, toujours dans l'intérieur, jusqu'à  un établissement Canadien [sic], assez éloigné pour avoir échappé à  la nouvelle de notre désertion, comme Natashquan ou Mingan; de là  nous prendrions passage sur quelque vaisseau pour Québec puis nous nous mettrions à  parcourir le Canada, à  la recherche de nos parents. Est-il plausible de croire que le matelot franà§ais Pierre Cholet connaissait déjà  l’horaire des navires faisant la navette entre la Cà´te-Nord et Québec? Avec quel argent va-t-il payer son passage? Rivière-au-Tonnerre n’est-il pas un poste situé plus à  l’est de Mingan? Sur la Cà´te-Nord, Pierre Cholet et son frère ne sont-ils pas rendus au Canada après avoir marché près de 600 km depuis Black Bay?
  9. Nos recherches demeurent toujours infructueuses pour découvrir des documents prouvant l’existence d’une compagnie maritime dénommée Cottin exerà§ant des activités commerciales ou màªme militaires sur la Cà´te-Nord depuis Saint-Malo.
  10. Dans sa préface, Jean-Baptiste Proulx, Op. cit., p. VII, affirme: J'ai visité St-Malo, o๠il [Pierre Cholet] dit avoir passé les années de son enfance; j'ai parcouru les cà´tes du Labrador et de la Baie des Chaleurs, o๠il erra plusieurs mois après son évasion. S’il est exact que Jean-Baptiste Proulx a visité St-Malo en 1885, nos lectures de sa correspondance et de ses ouvrages sur ses voyages de mission et de colonisation ne nous ont pas permis de découvrir à  quelle époque il aurait parcouru les cà´tes du Labrador et màªme celles de la baie des Chaleurs.
  11. Rivière-au-Tonnerre. Historique, site consulté le 16 février 2009.
  12. V.-A. Huard, Labrador et Anticosti, Montréal, C.-O Beauchemin & Fils, 1897, p. 158. L’ouvrage de Huard est accessible dans la collection numérique de BAnQ.
  13. Joseph-Octave Perron a été curé de Havre-St-Pierre de 1871 à  1877. Placide Vigneau mentionne l’arrivée du curé Perron en octobre 1870 à  la Pointe-aux-Esquimaux, voir le Journal de Placide Vigneau (1857-1926), Rapport des archives du Québec, Québec, Ministère des Affaires culturelles, 1968, Tome 46, p. 52.
  14. Appendice du seizième volume des journaux de l'Assemblée législative de la Province du Canada, depuis le 25 février jusqu'au 16 aoà»t 1858, inclusivement, dans les vingt-unième et vingt-deuxième années du règne de notre souveraine dame la Reine Victoria, étant la 1ère session du 6eme Parlement provincial du Canada, Rapport annuel de Pierre Fortin, magistrat de l’expédition pour la protection des pàªcheries dans le golfe St-Laurent pendant la saison de 1857, p. A31-43.
  15. V.-A. Huard, Op. cit., p. 156.
  16. Id., p. 156.
  17. BAnQ, Fonds Placide Vigneau, P48/D2,6.
  18. Journaux de l'Assemblée législative de la Province du Canada du 13 février au 30 juin 1864, inclusivement, dans les vingt-septième et vingt-huitième années du règne de notre souveraine dame la Reine Victoria: étant la 2e session du 8e Parlement provincial du Canada, Rapport du comité spécial sur l’acte des pàªcheries, 1864, p. A5-61
  19. Lire Jean-Baptiste Proulx, Op. cit., p. 53: N'allons pas, toujours, sur le bord de la mer, dit-il; nos gens peuvent bien rà´der là  encore, et faire taire leurs canons pour nous tendre un piège. Du reste, en partant, ils ont pu commissionner les pàªcheurs de nous arràªter, et les Jersiais nous vendraient vite pour une brique de lard. Cholet sait qu’il y a des Jersiais sur la Cà´te-Nord. D’o๠le sait-il? Mais il sait qu’ils ne trainent pas en affaires. On peut aussi s’interroger sur la possibilité qu’un capitaine d’un navire franà§ais puisse commissionner des pàªcheurs de la Cà´te-Nord du Québec pour arràªter les 2 frères Cholet au début de la guerre entre la France et la Prusse.
  20. On consultera un calendrier universel sur Greenhealth ou sur L'apprenti mathémagicien
  21. BAnQ, Fonds Séminaire Sainte-Thérèse-de-Blainville, P107/77-697.
  22. Pour un calendrier lunaire en anglais. Site consulté le 26 février 2009.
  23. Nous n’avons pas à  ce jour consulté des monographies historiques ou des cartes historiques sur Rivière-au-Tonnerre fournissant un plan exact de son havre et de ses environs.
  24. V.A. Huard, Op. cit., p. 219, indique que la lumière du phare est visible en mer jusquâ€™à  une distance de 30 milles, soit 48 km: On la voit de Sheldrake et de Magpie sur la Cà´te Nord. Rivière-au-Tonnerre est située entre Sheldrake et Magpie. La distance entre Mingan et l’à®le d’Anticosti est de 33 km.
  25. Tout ce passage de l’édition de 1887 de L’enfant perdu et retrouvé a été coupé dans l’édition de 2007 de Serge Cholette, Op. cit., p. 64.
  26. La pàªche est terminée en septembre dans la région de la Cà´te-Nord ou au Labrador. Des goélettes vont livrer leur marchandise au port de Québec et reviennent à  la fin de septembre ou au début d’octobre. Les grandes entreprises de pàªche comme celles de Robin ou Le Bouthillier commencent leur livraison vers le Brésil et l’Europe.
  27. Comme les barques étaient souvent la propriété des entrepreneurs en pàªcherie, une recherche plus approfondie nous permettra peut-àªtre de découvrir le nom de cette barque appartenant aux entreprises de pàªche Robin ou Le Bouthillier. Peut-àªtre découvrirons-nous une plainte pour enlèvement ou disparition d’une barque en octobre 1870!
  28. Nous ignorons quelle est la température moyenne en octobre pour Rivière-au-Tonnerre et l’à®le d’Anticosti, mais une consultation d’un atlas de la Gaspésie nous indique que la température moyenne minimale à  la mi-octobre est d’environ 3o C. Dans son habit de loup-marin, Pierre Cholet peut cependant braver les rigueurs du froid.
  29. Faucher de Saint-Maurice, De tribord à  bà¢bord, Montréal, Duvernay Frères et Dansereau, 1877, p. 111-112, précise qu’en temps de brume et pendant les tempàªtes de neige un coup de canon est tiré d’heure en heure pour signaler aux navigateurs l’approche de la pointe ouest. Charles Guay, Lettre sur l’à®le d’Anticosti à  l’Honorable Marc-Aurèle Plamondon, Montréal, C.O. Beauchemin & Fils, 1902, p. 174, ajoute que les phares sont pourvus de cartouches de dynamite et qu’en temps de brume, des détonations de dynamite se font entendre par intervalles réguliers afin de prévenir les marins des dangers de naviguer trop près du littoral.
  30. Pour l’année 1870, Placide Vigneau, RAPQ, 1968, p. 52, nous apprend que les goélettes de la Pointe-aux- Esquimaux sont parties livrer du poisson à  Québec le 19 septembre et qu’elles furent de retour entre le 15 et le 22 octobre. Les goélettes devaient probablement passer au large de la pointe ouest de l’à®le d’Anticosti et de Rivière-au- Tonnerre o๠Pierre Cholet était arrivé assez tard le soir du 15 octobre. Durant la journée du 16 octobre 1870, selon le récit de Proulx, la barque de Pierre Cholet est demeurée presque stationnaire au milieu de l’entrée ouest du détroit de Jacques-Cartier ou màªme carrément au milieu du détroit vers l’est. Pierre Cholet naviguait incognito sans voir barque ou vaisseau qui vive.
  31. Cette carte modifiée provient de l’ouvrage d’Alphonse Leclaire, Le Saint-Laurent historique légendaire et topographique de Montréal à  Pictou et à  Chicoutimi sur le Saguenay, 1906. L’ouvrage est disponible en ligne dans la collection numérique de BAnQ.
  32. Sur le trajet passant par la pointe est, voir la carte de J.R. Koenig, Op. cit., p. 72. Serge Cholette, Op. cit., p. 64, écrit quant à  lui que Pierre Cholet est arrivé à  l’affluent de la Rivière-au-Tonnerre à  Red Bay. Cela est impossible puisque Red Bay est à  600 kilomètres à  l’est de Rivière-au-Tonnerre. Aucun rivière ayant sa source à  Red Bay n’a son embouchure dans la rivière au Tonnerre.
  33. Sur la hauteur du phare de la pointe ouest de l’à®le d’Anticosti, voir Faucher de Saint-Maurice, Op. cit., p. 111. Sur les dimensions des autres phares et sur les difficultés pour arriver au phare de la pointe est ou Bruyère, lire les pages 135 à  147 du màªme auteur. Sur les phares, on pourra aussi consulter les Archives nationales du Canada et la banque de données du site Lighthouse depot.
  34. Selon les renseignements obtenus en 2008 auprès des Archives nationales du Canada, le registre du phare de la pointe ouest n’a pas été conservé. Une liste des gardiens de phare de l’à®le d’Anticosti est disponible à  cette adresse.
  35. Sur le parcours en mer de Pierre Cholet entre l’à®le d’Anticosti et Gaspé, voir Jean-Baptiste Proulx, Op. cit., p. 86 à  88.
  36. Pour la carte de Serge Cholette, Op. cit., p. 274.
  37. Le phare fait 37 m de hauteur. La lumière est située à  41 m au-dessus du niveau de la mer. Voir Faucher de Saint- Maurice, De tribord à  bà¢bord, p. 403. Voir aussi Appendice du seizième volume des journaux de l'Assemblée législative de la Province du Canada, depuis le 25 février jusqu'au 16 aoà»t 1858, inclusivement, dans les vingt-unième et vingt-deuxième années du règne de notre souveraine dame la Reine Victoria, étant la 1ère session du 6e Parlement provincial du Canada, Améliorations récemment effectuées sous la directions des honorables commissaires des travaux publics du Canada, dans la rivière et le golfe St-Laurent et dans le détroit de Belle-Isle, 1858, Appendice No 19, page A19-77, Tableau H.
  38. Il y aurait lieu de faire une étude sur le régime alimentaire d’un matelot franà§ais en 1870, ainsi que sur son uniforme, son équipement et ses armes puisque Pierre Cholet, bien qu’il fà»t matelot, affirme s’àªtre exercé au tir lors de son séjour à  Black Bay juste avant sa désertion.
  39. Le soleil s’est couché à  16 h 51 HNE le 18 octobre 1870 à  Québec, un peu plus tà´t à  la longitude de Gaspé, voir ce calendrier.
  40. Gaspé dispose d’un port franc entre 1860 et 1866, voir Stanislas Drapeau, Études sur les développements de la colonisation du Bas-Canada depuis dix ans: (1851 à  1861) constatant les progrès des défrichements, de l'ouverture des chemins de colonisation et du développement de la population canadienne franà§aise, Québec, Typographie de Léger Brousseau, 1863, p. 17. Durant cette période, il est probable que des vaisseaux franà§ais aient accosté au port de Gaspé, mais sans preuve documentaire, il est impossible de l’affirmer.
  41. Jean-Baptiste Proulx, Op. cit., p. 23: En réalité nous étions de petits prisonniers. Nous savions déjà  que nous avions été des enfants volés; par certains mots, échappés par ci, par là , à  nos surveillants, nous apprà®mes que nos parents étaient du Canada; cependant ni alors, ni plus tard, nous n'osà¢mes parler de ce sujet au capitaine, sachant que nous serions fort mal venus.
  42. Sur la famille Le Bouthillier, consulter le site de Tony Le Sauteur.
  43. Sur le député John Le Boutillier, visiter le site de l’Assemblée nationale du Québec, Les parlementaires depuis 1792.
  44. Serge Cholette, Op. cit., p. 66
  45. Archives nationales du Canada, Port records (R192-11-2-E), Gaspe, Quebec, Ship register outwards, 1861-1868, 1861-1976, 1851-1894.
  46. Placide Vigneau, RAPQ, 1968, p. 47, mentionne les noms des armateurs suivants: La Veuve, Le Mossu, Léniel, Landegrène, Fonton, Guibert, Le Moine et Carmolet. Si Pierre Cholet était à  bord d’une frégate militaire surveillant les pàªcheries, sa frégate devait faire partie de la flotte de la Station maritime de Terre-Neuve que la France maintenait dans la région. Jean-Marie Huille, La Station navale de Terre-Neuve et le centenaire de La Capricieuse en 1955, in La Capricieuse (1855): poupe et proue. Les relations France-Québec (1760-1914), Québec, PUL, 2006, p. 362, signale avoir consulté en 1955 les archives de la Station navale de Terre-Neuve dans les archives des à®les St-Pierre et Miquelon, dont des dossiers du Service de l’inscription maritime.
  47. Sur le parcours de Pierre Cholet de Gaspé à  Percé, voir Jean-Baptiste Proulx, Op. cit., p. 88 à  90.
  48. Pour obtenir des renseignements sur la vitesse des vents.
  49. Sur la famille De Gruchy, consulter le site de Tony Le Sauteur.
  50. Serge Cholette, Op. cit., p. 67-68, a supprimé le nom de l’hà´te de Pierre Cholet à  Percé.
  51. Sur la langue jersiaise, visiter Les pages Jérriaises. Selon 3 lettres authentiques écrites par Pierre Cholet en 1889 et 1890, il apparaà®t clairement que Pierre Cholet ne parle pas le bon franà§ais de France, mais le bon franà§ais du Canada franà§ais. Le bon franà§ais de Pierre Cholet dans L’enfant perdu et retrouvé est celui de Jean-Baptiste Proulx.
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