Franà§ois-Charles écrit à sa belle-sÅ“ur habitant au Canada. Il s’inquiète de la situation qui sévit au Canada et souffre de ne pas avoir reà§u son aide financière, sa situation étant toujours précaire. Il mentionne avoir lu que Lord Durham avait été reà§u à bras ouverts à Montréal.
Organisation sociale, réalités politiques, réalités économiques
Chamant près Senlis, ce 3 7bre[1] 1838.
Ma chère sÅ“ur
Je ne puis vous peindre tout ce que votre silence, joint encore aux évàªnemens
de votre paà¯s[2]; m’ont causé de peines et d’inquietudes. Pas une seule réponse
à trois lettres que je vous ai écrites cette année[3], et dans lesquelles cependant
je vous faisais le tableau de ma pénible position. Ah! si malheureusement
je dois votre silence à votre santé, il me semble que mon neveu aurait
dà» vous remplacer; du moins je pouvais l’espérer! Vous ne serez donc
pas surprise, ma chère sÅ“ur, de l’étonnement o๠je suis de votre silence
qui n’appartient certainement pas au sentiment de bons parens.
Dans le moment o๠je vous écrit, je suis a peine convalescent d’une maladie
qui m’a fait souffrir pendant deux mois, les douleurs les plus aigues, aussi
suis-je d’une faiblesse, dont mes quatre vingt deux ans, auront peine à se
refaire. Jugez, ma bonne sœur, de ma position? Tous les malheurs
me frappent à la fois, vos secours me manquent à l’instant o๠j’en aurais le plus
de besoin; mes fournisseurs me harcèlent, l’apoticaire, le médecin, sont
à payer; et je suis dans le plus grand dénuement, et hors d’età¢t de les
satisfaire! Ce n’est qu’à vous, dans ce monde, à qui je puis demander assistance;
je le fais, comme vous le voyez, ma bonne sœur, avec toute
confiance dans la bonté, la délicatesse de votre à¢me. Veuillez
donc me retirer le plutà´t possible de l’età¢t d’anxiété, de souffrance,
o๠ma réduit non seulement la maladie que je viens d’eprouver,
mais encore le retard que vous avez mis dans un envoi sur le
quel j’avais tout droit de compter[4].
Comme les gazettes nous disent que Lord Durham avait été
reà§u ( à bras ouverts ) à Montréal[5], j’ai tout lieu de penser
que je ne dois votre oubli qu’à votre santé; mais de màªme que
je l’ai dit plus haut, Georges pouvait vous remplacer? Ah! si
je dois l’en prier; eh bien! je le fais de toute mon à¢me; j’aurai
au moins le plaisir de croire qu’il aime encore son viel
oncle.
Adieu bonne, et bien respectable sœur, que la
providence vous conserve pour vos enfans, et pour nous!
Non, je ne suis pas seul à former ce vÅ“u! Ma femme qui
vous aime, comme je vous aime, s’unit à moi dans tous
les sentimens d’amitié, de reconnaissance que je vous porte.
Elle se rappelle au souvenir de votre famille qu’elle embrasse
de tout son cœur; c’est vous dire que j’agis comme elle, n’est-
elle pas un second moi-màªme?
Adieu encore une fois, chère et bien chère sÅ“ur,
n’oubliez pas, votre malheureux frère et toujours le plus
affectionné.
Le Cte de Beaujeu.
P.S. J’embrasse ma bonne sœur Beaujette, si comme moi, elle
habite encore cette terre de larmes.
P03/A.293, Fonds De Beaujeu, Centre d'histoire La Presqu'à®le
Rapport Durham, dans lequel il recommande l'accélération de l'immigration britannique au Canada afin de marginaliser la population canadienne-franà§aise, la forà§ant ainsi à choisir la voie de l'assimilation linguistique et culturelle.