Franà§ois-Charles écrit de Rouen, en Normandie, à sa mère Geneviève Le Moyne de Longueuil habitant au Canada. Il compatit à la peine de sa mère suite au décès de son père, Louis Liénard, et se dit heureux que son oncle Joseph-Dominique-Emmanuel l’ait invitée à vivre chez lui. Il lui indique qu’il est enfin revenu en France et qu'il a appris que les biens de son fils Amédée à St-Domingue sont entièrement dévastés.
Organisation sociale, réalités politiques
Rouen[1], ce 17 mars
Ma chere maman
Que ne puis je réunir toutes vos peines sur ma tàªte,
et vous savoir heureuse! Je ne veux point dans
cette lettre renouveller vos douleurs[2], quoique pénétré
autant qu’on peut l’àªtre de la perte que nous avons
éprouvée, ne dois-je pas à la tendresse que je vous porte
de ménager votre sensibilité; et de remercier encore
la providence de vous avoir conservée à nos voeux pour
rendre moins pesant le coup dont elle nous a frappé[3].
Je suis enchanté que mon oncle vous ait engagée
a vous réunir à lui[4]. Votre solitude eut été cruelle,
sa société dumoins fera diversion à vos peines,
et toujours il est bien doux de se voir réunis au
meilleur des parens.
Quoique je sois rendu dans ma patrie, le
bonheur n’est point encore mon partage. Voila
sept mois que je suis a attendre une amnistie
sans la quelle je ne puis terminer aucune affaire[5].
J’ai appris que les biens de mon fils étoient
entiérement dévastés, cependant il pourroit encore
espérer une douce aisance, si toutes fois St
Domingue revenoit dans l’ordre[6].
Que je vais àªtre tourmenté dans l’attente de vos
nouvelles! Tranquilisez vous, tendre maman,
conservez des jours qui nous sont précieux, c’est pour
moi le seul bonheur que je prie la providence
de ne pas me refuser.
Je suis, et ne cesserai d’àªtre avec la tendresse
la plus respectueuse
Ma chere maman
Votre très humble et très
obéissant serviteur et fils
De Beaujeu.
P03/A.237, Fonds De Beaujeu, Centre d'histoire La Presqu'à®le
Reine, vous m'ordonnez de rouvrir de cruelles blessures.