Franà§ois-Charles écrit de Londres à son oncle maternel Joseph-Dominique-Emmanuel Le Moyne de Longueuil habitant au Canada. Il lui annonce que les autorités franà§aises ont décidé de permettre aux émigrés qui n’ont pas combattu en tant que chefs de corps contre la république, de pouvoir retourner en France.
Activités économiques, organisation sociale, réalités politiques
Londres ce 12 juin 1802.
Mon cher oncle
Daprès le décret[1] qui donne permission de rentrer à tous
les emigrés qui n’ont pas servi en qualité de chef de
corps contre la république franà§oise, je me décide a
partir à l’instant, dautant plus que ceux qui jouiront
de cette prérogative, n’ont jusqu’au vingt de
septembre a se décider, époque à la quelle il ne leur
sera plus permis de profiter du décret.
Les nouvelles de St Domingue sont assez bonnes, non
pas eu égard a quelques particuliers dont les habitations
ont été ravagées; mais à voir les choses en général et
daprès les progrès que les troupes franà§oises ont déjà
faits, il est a présumer que le paà¯s sera bientà´t à ses
prémiers possesseurs.
Je vous ai écrit, mon cher oncle, ainsi qu’a tous
mes autres parens, le mois d’avril dernier[2]. Je ne
doute pas que vous ayez reà§u mes lettres, cependant
je ne saurois trop vous renouveller l’assurance de
la vive reconnoissance que je vous dois, le secours
que vous m’avez envoyé me met a màªme d’aller en France,
et de payer quelques petites dettes que depuis neuf ans[3]
ma position gàªnée m’a forcé de contracter; il est vrai
que cette somme sera bien écorné à mon arrivée à Paris,
o๠j’ignore encore combien de tems je resterai sans autres
moyens déxistence. Enfin je me livre entre les mains
de la providence, mon départ est un devoir a remplir,
le bonheur de mon fils me l’ordonne, je me résigne donc
sans trop calculer sur l’avenir. Je me plais a croire
cependant, mon cher oncle, que vous ne m’abandonnerez
pas, que quelquefois, vous voudrez bien penser à vos
pauvres neveux errants et tristes jouets de la fortune,
que vous m’ecrirez ainsi que mes freres, à l’adresse
de Mr Brickwood[4] à qui j’enverrai la mienne aussità´t
mon arrivée en France. Oui, mon cher oncle, ce sera un
grand adoucissement à mes peines de lire quelquefois
qu’ils éxistent des àªtres qui prennent quelqu’interàªt à mes
malheurs. Adieu, soyez toujours heureux, jouissez
d’une santé inaltérable et croyez moi avec la tendresse la plus
respectueuse
Mon cher oncle,
Votre très humble et très obéissant
neveu
De Beaujeu.
P.S. Trouvez bon que mes pere et mere, ainsi que mes
frères recoivent icy l’assurance de mon respect et de
ma tendre amitié.
Mon fils vous offre ainsi qu’à toute sa famille,
les màªmes sentimens.
P03/A.234, Fonds De Beaujeu, Centre d'histoire La Presqu'à®le