Cet avis de décès, intitulé ici obituaire, a été rédigé à une date inconnue au début de 1846 par Georges-René Saveuse de Beaujeu à la suite du décès de Franà§ois-Charles de Beaujeu survenu le 6 janvier 1846 à Senlis. L’avis de décès fut publié dans La Minerve les 26 et 30 mars 1846. Il s’agit en quelque sorte d’un panégyrique relatant sa carrière, comportant des renseignements tout à fait véridiques et vérifiables, mais aussi des renseignements erronés sur lesquels vous trouverez des précisions dans les notes qui suivent la transcription.
Organisation sociale, activités militaires
Obituaire
Le 6 de janvier dernier mourut à Senlis
département de l’Oise (France) à
l’à¢ge de 89 ans et 2 mois[1], Charles
Franà§ois Liénard Villemomble[2], comte
de Beaujeu, chevalier de l’ordre
royal et militaire de St Louis[3]
ancien colonel[4] d’infanterie sous
Louis XVI, aide major général
sous le commandant de Laperouse
dans l’expédition de la baie
d’Hudson[5] et de la descente des troupes de La Grenade[6],
et officier distingué de
l’armée du prince de Condé[7] pendant
l’emigration. Il naquit à Québec
le 8 nov. 1756[8] et était fils de feu Louis
Liénard de Beaujeu écuyer sieur
de Villemomble, chevalier de l’ordre
royal et militaire de St Louis, gouverneur
et commandant militaire à Michilimachinak sous le
gouvernement franà§ais; seigneur de la seigneurie
de Beaujeu ou La Colle et de celle
de l’isle aux Oyes et aux Grues[9].
Il passa en France le
27 septembre 1766 avec son oncle maternel
Paul Joseph Lemoyne, écuyer, chevalier
de Longueuil, chevalier de l’ordre
royal et militaire de St Louis, gouverneur
des Trois Rivières et commandant en 1756
la ville et gouvernement de Québec[10].
On l’envoya au collège
à Paris o๠il se fit une brillante
éducation et entra ensuite à
l’école militaire[11] et il s’y distingua par
ses talents et son application a une profession
dans laquelle de tous temps et partout
s’était distingué ses ancàªtres
A sa sortie de l’école
militaire il acheta une réforme à la
suite du régiment du Roy Dragon,
puis passa capitaine de remplacement
dans le régiment des Chasseurs des Vosges[12].
Ce fut a cette époque qu’il
fut présenté à la cour par son proche
parent M. le comte Gravier de
Vergennes, ministre secretaire d’Etat
aux départemens des Affaires étrangères a [13],
laquelle cour il pris la place qu’il
avait droit d’occuper comme descendant
d’une maison (elle tire son origine du
Dauphiné et de Villefranche et elle date au-delà
des Croisades) dont les membres ont été décorés
des premières charges de l’Etat[14].
La guerre entre la France et l’Angleterre
s’étant rallumée en 1778, il abandonna les plaisirs
sans nombres de la cour de
Louis XVI, pour voler o๠l’appelait son
devoir[15]. Il s’embarqua avec son régiment qui
fesait partie des troupes de debarquement dont
le celebre navigateur Jean Franà§ois Galaup
de Laperouse avait le commandement
sur l’Amazone et qui fesaient partie de
l’escadre du comte d’Estaing[16]. M. de
Beaujeu se distingua a la prise d’une frégate
anglaise nommée l’[Ariel][17]. Il se rendit
toujours sous le màªme commandement a bord de
l’Astrée sur les cà´tes de la Nouvelle-Angleterre
ou la frégate l’Hermione commandée
par La Touche-Tréville se trouvait
et il fut présent au combat qui se
livra près de l’isle Royale a une frégate
ennemie et cinq petits bà¢timents[18].
Il alla ensuite avec
M. de Laperouse au Cap franà§ais[19]; et ce fut
là que celui-ci qui avait déjà dans plusieurs
occasions distinguer la belle conduite de
M. de Beaujeu se l’attacha comme
aide major général dans l’expédition
que lui Laperouse était chargé de
faire contre les etablissements anglais
de la baie d’Hudson. M. de
Beaujeu acceptat ce grade avec
reconnaà®ssance ne voulant pas laisser passer
une aussi belle occasion d’aller lui aussi
combattre dans des parages qui avaient
été si bien connus, et dont les cà´tes
avaient été si souvent teint du sang
de ces braves marins canadiens du nom d’Iberville
Serigny, Bienville, Chateauguay et
St Hélène ses grands oncle et descendant
comme lui du brave Charles Lemoyne
1er baron de Longueuil[20].
Les préparatifs de cette
expédition furent faits avec activité, et
le 31 mai 1782 elle sortit de la rade du
Cap[21]. M. de Beaujeu était a bord du Sceptre
de 74 canons et que commandait M. de
Laperouse avec 3 ou 4 autres frégates.
Le 17 juillet
l’escadre en connaissance de l’isle
de La Résolution au milieu de l’entrée
du détroit d’Hudson, M. de Beaujeu fut
expédié le 30 pour reconnaà®tre les approches du
fort du Prince de Wales ce qu’il fit à la
satisfaction de son chef, et ce fort fut pris
le 8 aout. Il aida aussi a prendre le
fort d’York qui s’était appelé autrefois le
fort Bourbon, et qui fut detruit.
Le commandant de Laperouse
qui connaissait a M. de Beaujeu le talent de carter un pays
et du dessin lui donna ordre de faire les
plans du combat et de la prise des forts qui
venaient d’àªtre soumis à la France, et de les porter
au Roy. Il s’embarqua sur une frégate
et le soir màªme de son arrivée à Paris
il eu l’honneur d’àªtre présenté au Roi par M. de
Castries ministre de la Marine et d’apporter à sa
Majesté la nouvelle de la redition des forts anglais
situés à la baye d’Hudson. Le Roi le reà§u avec
bonté et pris interet de lui entendre raconter
la relation que l’expédition venait de parcourir
dans des parages peu connus, et ou elle avait eu à
surmonter dans une espace tres retreci la plupart
des dangers que la navigation peut offrir dans toute
l’etendue du globe. Ce fut a son retour de cette
expedition que M. de Beaujeu reà§u du Roi et des
ministres des compliments flatteurs sur sa belle conduite
et il fut peu de temps après promu au grade de colonel en 1783[22].
Il se maria à Paris en 1784 à Madlle de
Bongars fille de M. le comte de Bongars, intendant
de St Domingue et président à mortier
à Metz[23].
Quand l’affreuse tempàªte de 1790
éclatat il fut un des premiers a abandonner
tous ses biens[24] et la belle carrière qui s’offrait à lui sous la
République pour suivre dans l’emigration ses infortunés maà®tres
et après avoir été sous les drapeaux des
princes offrir à son roi sa fortune ses bras et
sa vie lors de leur retraite. Il suivit la brave
armée du prince de Condé, et il était du nombre
des 80 gentilshommes qui commandés par M.
de Salgues Lt colonel du regiment de Condé,
ressaisit sur 300 républicains la redoute de Belheim
aux cris de Vive le roi[25], et ce fut a cette action
heroique du 19 juillet 1793 qui inspira à Delisle
ces vers du poème de La Pitié[26].
Sparte ne parle plus de trois cents guerriers
Un seul de leurs combats égale tes lauriers
Il suivit le corps du prince de Condé jusqu’au
moment ou il fut licencié, alors il passa
en Angleterre[27] et ne revint en France qu’en 1803[28]
et o๠il ne voulu jamais de nouveau prendre
du service mais encouragea son fils unique
(qui lui n’avait pas servi sous d’autres drapeaux)
à le faire[29], celui-ci entra dans le
corps des gendarmes d’ordonnance de Napoléon[30]
et après s’àªtre distingué
dans un grand nombre de combats il trouva
la mort (après la défaite de la grande armée) dans
les champs glassés de la Russie[31].
A la Restauration M. le comte de
Beaujeu fut contenu dans ces anciens grades et
reà§u des mains màªme de sa Majesté le roi Louis
XVIII la croix de l’ordre royal et militaire
de St Louis.
Par la mort de M. de Beaujeu, le
titre de comte de la famille revient à son seul
héritier et neveu M. G. R. Saveuse de Beaujeu du Canada[32].
P03/A.300, Fonds De Beaujeu, Centre d'histoire La Presqu'à®le
Les Liénard sieurs de Beaujeu, Saveuse et Villemomble, Nova Francia, 1928, p. 327-345, les Liénard de Beaujeu ont possédé pendant plus de 40 ans une maison à Villemomble comportant plusieurs corps de logis sur un terrain de cinq arpents clos par un mur et des haies, le tout chargé d’une rente foncière envers les seigneurs de Villemomble, les de Bretonvilliers.
les drapeaux des princeset s'àªtre retiré lui-màªme en Hollande avec son fils après la retraite de l'armée. Durant la période 1791-1794, il aurait donc pu servir dans l’armée des princes commandée par les maréchaux de Broglie et de Castries, sous l'égide des frères de Louis XVI, le comte de Provence et le duc d'Artois, ou servir dans celle de Louis VI Henri de Bourbon-Condé en Hollande ou, plus probablement, dans celle du prince de Condé, Louis V Joseph de Bourbon-Condé. Pour éventuellement retrouver la trace de FC dans les armées de l’émigration, il faudrait consulter les fonds concernant les émigrés aux Archives de l'Armée de terre, aux Archives des Affaires étrangères et au chà¢teau de Chantilly.
Les Liénard sieurs de Beaujeu, Saveuse et Villemomble, Nova Francia, p. 327, aucune étude généalogique ne démontre les liens qui pourraient exister entre les Liénard et les de Beaujeu du Dauphiné. Il y a tout lieu de penser que Georges-René Saveuse de Beaujeu est l’inventeur de cette généalogie légendaire s’appuyant sur l’affirmation que fait FC dans sa lettre du 22 février 1815. Nous ignorons à quelle source FC a puisé pour établir sa généalogie dauphinoise.