Franà§ois-Charles écrit à sa belle-sÅ“ur Catherine Chaussegros de Léry habitant au Canada. Il s’inquiète après avoir lu les journaux qui doivent parler des troubles qui se préparent face à la révolte des patriotes. Il s’inquiète également de savoir si la lettre qu’il a envoyée à sa nièce lui est bien parvenue et trouve curieux que cette nièce qui ne lui avait jamais écrit avant, ait signé de son nom de jeune fille. Il remercie ensuite sa belle sÅ“ur de lui offrir son appui financier.
Organisation sociale, réalités politiques
Chamant ce 3 8bre[1] 1837.
Ma bonne sœur,
J’ai attendu jusqu’à ce moment a vous ecrire espérant de jour, en jour,
recevoir de vos nouvelles; mais votre silence joint à celui de mon neveu[2],
me donnent la plus grande inquietude, non seulement sur vos santés,
mais encore sur les troubles dont parle la gazette d’Angleterre au sujet
de Québec[3]. Veuillez donc, ma bonne sÅ“ur, obtenir du paresseux George
qui ne m’a pas écrit depuis deux ans[4], qu’il veuille bien faire un généreux
effort, pour me mander ce qui se passe dans votre paà¯s; et qu’il me dise
surtout ( chose qui m’intéresse bien plus ) que vous jouissez tous de la
meilleure santé.
Vous avez dà» recevoir dans le courant de janvier, ou de février de cette année,
une lettre de moi; dans laquelle j’en avais insérée une autre adressée à
ma niece, en réponse à celle que j’avais reà§ue d’elle dans le mois de xbre.
de l’année précédente. Je n’ai point reà§u de réponse à cet envoi, cependant
j’aurais bien désiré savoir si cette lettre était véritablement de ma
niece, qui ne m’avait jamais écrit jusqu’à ce moment, et qui fait
la sottise de signer son nom de fille, étant mariée[5]. Enfin, ma
bonne sÅ“ur, veuillez me dire ce qu’il en est, car je tiens beaucoup à le savoir.
Nos santés sont très mauvaises; mais ma femme oublie ses
souffrances pour ne s’occupper que des soins de notre petit ménage,
qui sont encore bien fatigants, bien lourds, pour son à¢ge, et surtout
pour sa faible santé. Oui, ma bonne sÅ“ur, je m’estime bienheureux
et remercie le ciel d’avoir conservé à mes quatre vingt et un an,
non seulement une épouse, mais plus encore une amie, qu’on pourrait,
sous ces deux dénominations, offrir pour modèle à son sexe.
Nous avons eu un printems tellement affreux, que toutes les denrées en
ont souffert au point que la vie a doublée de prix, et nous présage un
cruel hiver. Je vous remercie, ma bonne sœur, de votre offrande, vous
àªtes notre providence, que deviendrions nous si votre secours nous
manquait; il nous resterait a peine le pain de la misère!
Ma femme se rappelle à votre souvenir, à celui de votre famille,
à laquelle je dis mille choses aimables; excepté au paresseux
George, qui ne mérite pas la tendre amitié que je lui porte.
Adieu, ma bonne sÅ“ur, agréez les vÅ“ux du plus du plus reconnaissant
et du plus dévoué des parens.
Le Cte de Beaujeu.
P.S. J’embrasse de toute mon à¢me,
ma sœur Beaujette.
P03/A.290, Fonds De Beaujeu, Centre d'histoire La Presqu'à®le