Louise Bénédicte Bongars de Vaudeleau écrit du Plessis Chamant à son beau-frère Jacques-Philippe Saveuse de Beaujeu habitant au Canada. Elle explique à son beau-frère que c’est elle qui a ouvert sa lettre et lu à Franà§ois-Charles le refus de son frère de lui avancer l’argent qu’il lui demandait. Elle lui donne le détail de leur position financière précaire et lui fait une nouvelle proposition. La fin de la lettre est de Franà§ois-Charles qui fait appel aux sentiments fraternels que Saveuse et lui entretiennent.
Organisation sociale, activités économiques
Pléssis Chamant ce 1er janvier 1830
C’est moi, mon bon frere, qui ait reà§u la premiere, votre
lettre datté du 22 7bre et arrivé icy le 12 9bre[1].
J’avoue que sans vouloir abuser du pouvoir que me donne
le tendre attachement de mon mari, celui que je lui porte
m’a autorisé à rompre de mes mains tremblantes, le
le cachet qui renfermoit sa consolation, o๠son déséspoir.
Dans l’un ou l’autre cas je voulois àªtre la premiere à
lui offrir une heureuse nouvélle, o๠du moins adoucir
l’amertume d’un refus qu’il redoutoit. Il l’a subi avec
résignation, mais non sans souffrir de ses résultats. Si
les atteintes du malheur ne touchoient que moi, vous ne
m’entendriez pas vous importuner de ma douleur; oubliez
je vous en suplie que vous m’avez promis personellement un
souvenir auquel je n’ai aucun droit, (mais dont je conserverai
une tendre reconnoissance) pour ne penser qu’a votre
malheureux frere. Pour mon compte, je ne vous demanderai
jamais que de vous rapeller qu’il m’est bien cher, et qu’a
ce titre, vous me devrez toujours quelques sentimens,
Notre position est tellement affreuse, depuis deux mois surtout
que nous manquons màªme de bois dans un hiver des
plus rigoureux ainsi que vous l’aprendrez sans doute[2]; nos
indemnités se borneront à , bien peu de chose, và» les
déttes immenses de la succéssion Bxx, o๠je perds tous
mes droits ainsi que votre frere, et l’autre succéssion de
laquelle il pouvoit éspérer au moins de quoi payer ses déttes;
lui est disputée par un procès malgré la justice de sa cause[3]
et qui se terminera quand il plaira à Dieu. Quant à vendre
nos meubles ainsi que vous nous l’avez conseillé, vous n’ignorez
pas sans doute que les clauses de notre bail portant qu’ils
représentent pour la sureté du loyer, qu’en aurions nous? Rien.
Et dailleurs o๠reposer nos tàªtes quand il ne nous restera
plus un lit? J’en apélle à votre sensibilité, mon frere,
vous ne verez pas d’un œil sec l’ami que la nature
vous a donné accablé sous le poids des chagrins et des
souffrances, et vous direz en lisant cette lettre, il a passé
de biens tristes momens depuis mon départ.
Si la proposition qu’il vous a faite doit réelment vous gàªner
acceptez en une autre[4]. Au lieu d’une année que vous
allez nous devoir, veuillez en donner deux, et vous retiendrez,
célle que vous avancerez, dans les deux payemens qui suivront,
c'est a dire qu’en 1831 vous n’enverez que la moitié des
1500 f. et l’autre moitié l’année suivante[5]. Vous vous trouverez
ainsi rembourcé, nous pourons peu à peu nous liquider,
et nous retirer mon mari et moi dans un petit apartement
o๠nous vivrons au moins paisibles avec ce peu qu’il plaira
a Dieu de nous laisser. Je vous devrai, mon frere, une
grande consolation, célle de voir votre frère, sinon heureux
du moins tranquille et passer ses dernieres années dans
le calme que mes soins tacheront de lui procurer, si la
bonté divine veut bien m’accorder ce bonheur, je ne lui
demande plus rien. Je n’en reclamerai pas moins cependant
près de vous les sentimens que je crois mériter en retour
de ceux que mon cÅ“ur vous conserve à jamais, quelque soit
la position que le sort me déstine. Agréez en l’assurance,
mon bon frere, elle s’unit aux vœux les plus tendres
pour vous et tous ce qui vous est cher.
Votre affectionnée sÅ“ur
B. Cotesse de Beaujeu[6]
P.S. Je me plais à penser
mon ami, que l’arrangement que nous te proposons
ne trouvera aucun obstacle; quand tu te diras
puis-je laisser mon frère périr de misère! Non, non,
j’en suis convaincu, nos cÅ“urs sortent de la màªme
source, et tu dois te rappeller que dans mes jours
de bonheur, je ne pensais qu’à le partager avec toi.
Tu te figureras facilement avec quelle impatience
je vais attendre ta réponse, quand tu réfléchiras
que les jours de malheur sont bien longs!
Adieu, ami, je t’embrasse de toute mon à¢me, ainsi
que les tiens.
Ton frère[7],
Beaujeu.
P03/A.273, Fonds De Beaujeu, Centre d'histoire La Presqu'à®le