Franà§ois-Charles écrit de Chamant à son frère Jacques-Philippe Saveuse de Beaujeu qui est de retour au Canada. Il n’a pas su la date de son départ de France mais espère qu’il s’est bien rendu chez lui. Dans cette lettre, il lui explique n’avoir plus d’espoir de recevoir de l’argent de la succession Bongars à St-Domingue alors qu’il se retrouve avec 6000 francs de dettes. Il fait une proposition pour que Jacques-Philippe lui avance la somme sur la pension qu’il reà§oit déjà de lui.
Organisation sociale, activités économiques, réalités politiques
Chamant ce 20 juin 1829.
Malgré ton éxactitude, mon ami, tu m’as laissé cependant
ignorer non seulement ton départ de France, mais encore celui
d’Angleterre; et ce ne peut àªtre que par conjecture que je puis
penser aujourd’huy, qu’il est probable que tu sois rendu à tes
pénates[1]. Dieu veuille que mon espoir ne soit pas trompé et
que tu puisses te réjouir avec tous les tiens, de ton heureux voyage.
Quant à moi, mon ami, le sort s’appèsantit de plus en plus sur
ma vieille tàªte. Les indemnités de la succession Bongars[2] se
montent à deux cents mille francs, et les oppositions des
créanciers, à plus d’un million. Tu peux juger daprès cet
exposé, que nous ne pouvons, ma femme et moi, qu’àªtre
payés qu’au marc la livre[3], étant regardés comme
créanciers nous màªmes. Tu sais de plus, que le gouvernement
d’Aà¯ty[4], n’ayant encore payé que trente millions, sur les
cent cinquante qu’il avait promis; nous ne pouvons
par conséquent espérer qu’un cinquième de cette màªme
somme de deux cents mille francs, qui vient de nous
àªtre allouée, et que nous pouvons que partager avec
la multitude de créanciers, dont je viens de te parler.
Nous voila réduits à zéro; mais ce qu’il y a pour moi
de plus certain, et en màªme tems de plus cruel, ce sont
six mille francs de déttes que jamais je ne pourrai
acquitter, si tu n’acquiesces à l’arrangement que je vais
te proposer.
Oui, mon ami, je renoncerais pour jamais à la pension
que tu me dois; si tu prenais l’engagement de me faire
passer de suite la somme en question celle de six mille
francs. Tu m’allégueras, peut àªtre, que nous ne lisons point
dans l’avenir? Sans doute… Mais cependant en cinq années,
tu te rembourcerais un peu plus que la somme que tu
m’aurais avancée et tu te trouverais possesseur de tous mes
droits[5]. Eh bien supposons que Dieu dispose de mes jours
avant cette époque précitée? Pourrais-tu àªtre laizé?
Puisque tu y gagnerais trente mille francs, après en avoir
déjà gagné autant à la mort de mon fils[6]?. Et puis je rends trop
de justice à tes sentimens, pour ne pas àªtre persuadé
que tu y trouverais une plus réelle consolation, en
réflechissant que tu as rendu la paix à ton malheureux
frère, en t’opposant au chagrin qu’il aurait eu de
mourir insolvable.
Voila donc mon ami, a quoi, m’a réduit mon affreuse
destinée! Je me réjouissais, dans les tems plus
heureux, de pouvoir faire ton bonheur; et voila
l’inverse aujourd’huy, c’est de toi dont j’attends le
mien!
Réponds moi de suite, j’ai de toutes manieres le plus
grand besoin de connaà®tre l’età¢t de ta santé et de
celle de tous les àªtres que j’aime et qui t’intéressent.
Offre leur de nouvelles assurances de notre inviolable
amitié et dis toi pour nous, tout ce que l’à¢me la plus
vraie, peut dicter.
Toujours à toi, ton frère
Le Cte de Beaujeu.
P03/A.272, Fonds De Beaujeu, Centre d'histoire La Presqu'à®le