Franà§ois-Charles écrit du Plessis Chamant, près de Senlis, à son frère Jacques-Philippe Saveuse de Beaujeu habitant au Canada. Il mentionne la diminution des secours que son frère lui envoie et se justifie d’en avoir autant besoin. D’ailleurs, il craint toujours la guerre et termine en faisant appel aux sentiments de bonté de Jacques-Philippe.
Activités économiques, organisation sociale, réalités politiques
Au Plessis Chamant[1] près Senlis
ce 1r avril 1824
J’espère, mon cher frère, que cette année cy ne sera pas aussi
malheureuse pour vous, ni pour moi, que les deux années
précèdentes qui, pour ma part, m’ont réduit au plus complet
dénuement. La diminution énorme dans les secours que vous
m’envoyiez étant arrivés précisèment à l’epoque o๠prenant
mon domicile à la campagne, je fus forcé de faire des
dépenses que je n’ai pà» depuis remplacer entiérement en me
privant màªme du nécessaire. Il est un à¢ge, mon ami, o๠ces
màªmes privations acquièrent une plus grande amertume surtout
lorsque celui qui les éprouve a coulé ses prémiers jours dans
l’abondance[2]. Je ne m’étendrai pas sur l’enumération de
mes peines; mais, mon ami, que la providence vous préserve
de semblables malheurs!
Je ne sais trop que penser de la politique des cabinets
de l’Europe; mais je crains bien que le voile qui nous la
dérobe pour le moment, se soulevant enfin, ne nous annonce
une guèrre continentale[3]. Je désire bien de toute mon à¢me
ne jamais voir réaliser mes craintes, non seulement pour
les désastres qu’entraine un tel fléau, mais encore pour
les entraves qu’il méttrait à notre correspondance. Ne pourriez
vous pas, mon ami, dans une semblable circonstance charger
votre correspondant à Londres de me faire passer chaque année
les secours que j’ai droit d’attendre de votre intéràªt et de
votre amitié? Car que serait ma position, si j’étais
réduit a ma faible pension du gouvernement? J’aime
à penser que je n’ai nul besoin de plaider ma cause au
tribunal d’un frère, d’un frère surtout, qui depuis des
années ne m’a donné que des preuves de sa bonté.
Je m’en reposerai donc sur vos soins, sur vos sentimens,
bien convaincu que dans tout étà¢t de cause, vous ne
livrerai pas mes derniers jours, aux horreurs de la
misère.
Adieu, mon ami, je vous souhaitte ainsi qu’à votre
famille, bonheur et santé. J’offre mes hommages
à ma belle sÅ“ur, mes souvenirs à vos chers enfans,
et suis votre affectionné frère.
Le Cte de Beaujeu.
P.S.
Ne m’oubliez pas auprès
de ma bonne Beaujette, que
j’embrasse de tout mon cœur.
P03/A.261, Fonds De Beaujeu, Centre d'histoire La Presqu'à®le