Mémoire écrit pour Joseph-Dominique-Emmanuel Le Moyne de Longueuil après aoà»t 1777 et probablement avant 1783. Ce document contient des informations sur la population, l'agriculture et l'établissement des terres du Roy dans la province de Québec. Certaines indications nous laissent penser que c'est un brouillon dont s'est servi Joseph-Dominique-Emmanuel pour une allocution devant le Conseil législatif.
Activités économiques, occupation du sol, réalités culturelles, réalités politiques
avantage;
l’habitant qui tient sa terre bien cloturée
dans toutes les saisons de l’année,
<a l’epreuve des animaux,> si on l’y oblige
aura sa terre en peu d’années
de sorte qui lui procurera une quantité de
grains de toutes especes.
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Depuis plusieurs années les habitans de
cette province sont tombés dans une negligence
impardonable a l’occasion de la semence de
leur bled et autres grains, ils ne changent
jamais leurs semences, ils sement sans
precautions leur bled tel qu’il est, soit bon
ou mauvais, aussi le plus souvent ils ne
recueillent que de très mauvais bled etouffé
par les herbes, il faudroit pour remédier a
cet abus que les habitans fussent obligés de
passer leurs semences au crible ou de laver
leur bled, alors ils seroient assurés d’avoir
une bonne recolte ce qui mettroit l’abondance
dans cette province et seroit une branche
de commerce assez considerable. L’on pourroit
leur donner un encouragement en donnant
une recompense a celui qui auroit le plus
de bled, pois, avoine, patates, rabioles
choux etc
Art. 10
Depuis quelqu’années il y a quelques
terres dans les differentes parties de cette
province qui son perdues de chardons, les
proprietaires les laissent venir tranquillement
a leur maturité alors le moindre vent
transporte la graine à§a et là de sorte
que toutes les terres voisines s’en trouvent
perdues, ce qui porte un grand prejudice à
la culture, il conviendroit qu’il fut ordonné
que les proprietaires des terres o๠il y auroit
des chardons fussent tenus et obligés de
les couper deux fois dans l’année
afin de les detruire a peine d’une amende.
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Depuis quelqu’années ils s’est fomenté
une quantité de procès a l’occasion des terres
qui ont été tirées et bornées depuis plusieurs
années dont les proprietaires ont joui
paisiblement, mais par l’esprit litigieux
de quelques personnes ils ont troublé la
possession paisible des proprietaires par
de nouveaux bornages, ce qui a eté cause
quelques fois qu’un rang d’habitans a eté
entierement dérangé de sorte que celui
qui se trouvoit avec une grange et une
maison sur sa terre par le nouveau
bornage
voisin, etc. Pour éviter de tels
inconvéniens, il conviendroit que toutes
les terres bornées jusqu’à ce jour restassent
au proprietaire qui en jouit et qu'a l’avenir
aucunes terres ne fut bornée que du
consentement des voisins ou par autorité
de justice; autrement les seigneurs et les hab[itans]
seront toujours exposés a voir beaucoup de
difficultés a cause du derangement des
lignes.
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Il devroit etre defendu a aucunes
personnes de s’etablir dans les campagnes
a moins qu’il n’eut une terre de trois arpens
de frond sur vingt ou 30 de profondeur
a l’exception des villages parce qu’une plus
petite terre n’est pas suffisante pour faire
vivre son maitre et sa famille. Depuis la
conquàªte de cette province, il n’a rien eté reglé
a cet effet, il est arrivé, ce qui arrive encore
qu’il y a nombre d’habitans dans toutes les
seigneuries qui sont bati sur un arpent
ou un demy arpent de frond, qui y vivent en
paresseux et avec beaucoup de misere ce qui
est prejudiciable à la culture.
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Il devroit etre donné un encouragement
aux habitans de cette province, pour les
engager a semer des graines de chanvre et
de lin d’autant plus qu’il y a une quantité
de terres qui sont très propices pour cette
semence, les habitans en tireroient un
avantage tant pour faire de la toile et des
cordages qui feroit une branche de commerce
qui ne seroit pas peu considerable d’autant
plus que la graine est proprice a faire de
l’huile.
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Qu’il y a une quantité de difficultés entre
les habitans de cette province a l’occasion
des cours d’eau afin d’assecher les terres en profondeur pour
les cultiver, ce qui multiplie les procès entre
les habitans a cet effet et que celui qui n’est
pas en etat de plaider se voit perir sans
pouvoir cultiver sa terre, il conviendroit que
chaque habitant eut un fossé de ligne o๠il
est possible et dans les endroits o๠il ne seroit
pas possible il conviendroit qu’il y eut des
fossés de travers et qu’ils eussent leur decharge
soit dans des ruisseaux ou rivieres. Pour
accelerer ces ouvrages, qui sont très utiles a
l’agriculture, il conviendroit que les
seigneurs de chaque paroisse accompagnés
du capitaine et autres officiers de milices
se transportassent sur les lieux avec les
parties interessées pour descider
incontinent de l’endroit de la necessite
des dits fossés et etre authorisés a faire
executer le procès verbal qu’ils dresseront
a ce sujet.
Etablissement des terres du Roy
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Il est certain qu’il est plus avantageux
pour cette province et l’interàªt de Sa Majesté
que les terres du Roy soient concédées par
fiefs ou seigneuries à divers particuliers
plutà´t que d’etre données par terres ordinaires
aux habitans, a commun soccage d’autant
plus qu’il est de l’interest des proprietaires
du fief ou seigneurie d’y faire etablir le
plus d’habitans qu’il pourra ce qui
facilitera plus aisément la population
de la province, augmentera en peu
d’années les differentes parties ou se
trouveront scitués les d[its] fiefs sans
compter les augmentations que les
propriétaires des fiefs y feront de
leur propre argent soit pour moulins
a eau et a scie pour la commodité de
leurs habitans et autres travaux
indispensables que d’ailleurs le Roy
retirera a chaque mutation des dits fiefs
le quint, ce qui arrivera très souvent en
Canada par la vente desdites seigneuries.
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Comme le seul avantage dont il plait
a sa très gracieuse Majesté de gratifier ses
loyaux et fidels sujets canadiens, ne seroit il pas
a propos de supplier Sa Majesté de donner la
preference de ses seigneuries a ceux de ses
loyaux sujets qui ont exposé leur vie a son
service en prenant les armes, defendant St
Jean et ont été transportés dans les provinces
unies pour leur inviolable attachement aux
droits britanniques.
Plusieurs sont dans un etat de fortune très
mediocre n’ont plus de protecteurs a Londres.
Conviendroit il qu’ils ne fussent pas recompensés
au defaut d’autres dedommagements que
plusieurs n’ont pas reà§u des depenses faites
dans un pays etranger et de ce qu’ont
souffert leurs familles. On verroit au
moins que sa Majesté pense aux natif
du pays et sà§ait les indemniser et recompenser.
Ceci seroit un grand encouragement en
cas de rupture avec nos voisins car quelque
fidel et desinteressé qu’on soit dans sa fidelité,
on voit avec peine les recompenses accordés a
ceux qui les ont moins meritées parce qu’ils
ont ou argent ou protecteurs.
Comme je ne parle pas pour moi je crois
que ceci sera bien reà§u et qu’on y souscrira
unanimement, du moins j’aurai prouvé
que je ne fais acception de personne et je
desire màªme que tous les habitans conduits
prisonniers avec moi dans ces colonies
reà§oivent de quoi les dedommagé par des
terres, soit pour eux soit
pour leurs enfans aux màªmes charges que
ceux qui viendront des provinces unies.
P03/H.322, Fonds De Beaujeu, Centre d'histoire La Presqu'à®le