On a perdu Pierre Cholet

Autres témoignages sur la disparition de Pierre Cholet

Dans la préface de L’enfant perdu et retrouvé ou Pierre Cholet publié en 1887, Jean-Baptiste Proulx affirme pourvoir fournir à  satiété des témoignages sur les événements de la disparition de 3 enfants à  St-Polycarpe en juillet 18451. Dans le premier article et le deuxième article de cette rubrique, nous faisions part de 6 témoignages reproduits par Jean-Baptiste Proulx, soit ceux d’Hyacinthe Cholette, de Marie-Rose Roby, d’Honoré Lauzon, d’Antoine Giroux, d’Augustin Bélanger et de Rodger Duckett. Tous ces témoignages étaient corrigés, amendés, trafiqués; ils différaient notamment des témoignages originaux quant à  la date de disparition des enfants Cholet et Doucet dans la cà´te Ste-Marie de St-Polycarpe. Un entrefilet, publié dans La Minerve le 20 juillet 1846 par le notaire Joseph Meilleur, a prouvé que la date de disparition des enfants était le mardi 7 juillet 1846 et non pas le vendredi 7 juillet 1845. Malgré les affirmations de Proulx, nous n’avons découvert que 8 témoignages originaux, lesquels correspondent en partie seulement à  ceux des témoins cités en preuve par Proulx dans sa préface.

Dans le présent article, nous terminons la démonstration qu’en 1887 l’abbé Proulx a produit des témoignages falsifiés qui ont contribué pendant 120 ans à  diffuser l’histoire fictive des aventures de Pierre Cholet. Nos commentaires portent sur 2 autres témoignages de la préface de Proulx afin de les comparer avec les originaux trouvés à  BAnQ2. Nous analysons aussi plus en détail des témoignages puisés à  màªme le récit de Proulx. Dans un tableau qui sert de récapitulation des témoignages, nous commentons en dernier lieu une partie du premier chapitre de L’enfant perdu et retrouvé.

Le témoignage d’Isaà¯e Hamelin

Isaà¯e Hamelin, fils de Franà§ois-Xavier Hamelin et de Théotiste Rocbrune, a épousé Sophie Cédilot à  St-Polycarpe le 22 janvier 1850. Le témoignage de son épouse sur la disparition des enfants suit plus bas. Hamelin est né vers 1825 et a donc une vingtaine d’années lors des événements. Nous ignorons o๠il demeurait en 1845-1846, mais c’est un proche de la famille, puisque son jeune frère Isidore a épousé Délima Cholette, la sÅ“ur de Pierre Cholet, le 23 octobre 1865 à  St-Polycarpe3. Le recensement canadien de 1881 nous indique qu’Hamelin réside à  St-Polycarpe non loin de la demeure d’Hyacinthe Cholette4.

M ISAIE HAMELIN: "Je suis un de ceux qui ont cherché, lorsque les enfants se sont perdus. Ils ont manqué dans l’après-midi. Aussità´t que j'eus appris la nouvelle de leur disparition, je me suis mis à  leur recherche avec les parents. Le monde venait pour chercher, de tous bords et de tous les cà´tés. Le bois était grand dans ce temps-là . Nous nous mettions les uns à  cà´té des autres à  une distance d'environ cinq pieds; puis, ainsi disposés, nous traversions le bois. Quelques-uns avaient des fusils, ils en tiraient de temps en temps. D'autres avaient emporté des porte-voix. On n’entendait qu'un cri toute la journée, et la nuit de màªme. On allumait des petits feux d'endroit en endroit. On traversait le bois d'un rang à  l'autre. L'heure des repas arrivés, on mangeait aux maisons des habitants là  o๠on se trouvait; aussità´t le repas fini, on repartait sur un autre bord, et cela pendant 15 jours. Si j'ai bonne mémoire, voilà  quarante-deux ans que ce malheur est arrivé; j'ai trouvé cela si triste, que je ne l'ai pas oublié."

Jean-Baptiste Proulx, L’enfant perdu et retrouvé ou Pierre Cholet, p. X-XI.

Le témoignage de la préface de Proulx et l’original du 9 mars 1887 sont identiques à  quelques nuances près dont l’une très importante confirmant la date de la disparition des enfants en 1846. Dans le témoignage original de 1887 présenté ci-bas, Hamelin déclare qu’il a participé à  la recherche des enfants après que leur absence eut été constatée dans l’après-midi. Il signale que le monde venait de tous bord et de tous cà´té pour cherché avec nous le bois était grand dans le temps. Certains avaient des fusils; d’autres des porte-voix. Les chercheurs traversaient les bois en rang, ils allumaient des feux et prenaient leurs repas chez l’habitant. Isaà¯e Hamelin indique que les recherches ont duré 15 jours. Au bas de l’original, Hamelin fait une marque entre son prénom et son nom de famille. La seule différence remarquable entre les 2 versions du témoignage est illustrée par la déclaration suivante du témoin: Si je me rappel bien voila 41 ans de cela, j’ai trouvé cela si triste cette foi la que je lé pas oublié.

C’est le seul témoignage qui ne contredise pas le communiqué de La Minerve du 20 juillet 1846 quant à  l’année de la disparition. C’est ce témoignage qui nous a amené à  faire des recherches dans La Minerve de juillet 1846 et qui nous a donné la chance de découvrir le communiqué du notaire Joseph Meilleur publié le 20 juillet. La date du témoignage de mars 1887 moins 41 ans donne l’année 1846. Cette révélation nous a aussi permis de découvrir des indices qui donnent à  penser que Jean-Baptiste Proulx et Pierre Cholet savaient fort bien que les événements avaient eu lieu en 1846 et non pas en 1845.

Premier indice. Dans l’œuvre de Proulx de 1887 à  la page 177, on remarque le passage suivant sur la rencontre de Pierre Cholet avec sa sÅ“ur Délima à  St-Raphaà«l, Ontario, en 1881:

Elle [Délima] ne m'avait jamais connu, elle est plus jeune que moi, étant née dans l'automne qui suivit mon enlèvement; mais mon nom lui était familier, elle avait souvent entendu parler, par ma mère, de ce pauvre défunt petit Pierre.

Si l’on suit Proulx, Délima serait donc née à  l’automne qui a suivi l’enlèvement de juillet 1845. Cependant, Délima Cholette est née en 1846, non pas en automne, mais le 11 aoà»t 1846, soit un mois après la disparition du 7 juillet 1846, disparition confirmée par le communiqué du notaire Meilleur paru dans La Minerve. De qui Proulx tient-il les renseignements sur le mois et l’année de naissance de Délima si ce n’est de Pierre Cholet lui-màªme ou de la mère de Pierre Cholet que Proulx a rencontrée à  l’été de 18865? Proulx commet-il une erreur dans l’établissement d’un fait plutà´t anodin comme celui de la date de naissance de Délima Cholette? Ou est-ce, dans le feu de l’écriture, un aveu inconscient de la réalité d’un fait daté dont il n’a pas vérifié l’exactitude? Ajoutons aussi que, si Délima avait souvent entendu sa mère parler du pauvre petit défunt Pierre, – en italique dans l’édition de 1887 –, c’est que la famille le pensait mort à  la suite de sa disparition; ce qui est de toute logique puisque son corps ne fut pas retrouvé6. Mais, en toute logique, Délima ne peut parler d’un décès puisqu’elle ne sait pas si son frère est mort étant donné qu’il n’y a aucune preuve fournie dans les témoignages sur son décès après sa disparition. Qui est dans l’erreur? Le narrateur et rédacteur du manuscrit, Pierre Cholet, ou l’auteur Jean-Baptiste Proulx? Après la disparition des enfants, il faut cependant admettre qu’il fut naturel et màªme plausible que les familles Cholette et Doucet concluent à  la mort de leurs enfants disparus.

Deuxième indice. Malgré certaines erreurs chronologiques évidentes ailleurs dans ses Å“uvres et dans le récit qui nous importe ici, l’abbé Proulx aime bien donner la date et l’heure juste quand il décrit ses nombreux voyages personnels et lorsqu’il fait défiler les aventures fictives de Pierre Cholet dans le temps. Justement, dans une lettre du 11 mars 1887 adressée à  J.-O. Rémillard7, curé de St-Polycarpe en 1881, Proulx lui demande une autorisation pour le citer en preuve dans une note en bas de page:

J’ai entrepris d’arranger, de polir et de publier les aventures de Pierre Cholette, enfant de St-Polycarpe, perdu à  l’à¢ge de cinq ans, qui a retrouvé ses père et mère, Hyacinthe Cholette et Marie St-Amand, après un laps de trente-cinq années.

Troisième indice. Dès le début du récit à  la page 3, Proulx écrit dans une note en bas de page:

Il n’est pas inutile de rapporter ce petit incident. Comme toutes les tendres mères, qui se font des peines pour des pailles en croix, la mère Cholet, après l’enlèvement de ses fils, se reprocha amèrement cette tape qui avait amené la boutade de l’enfant ;[…] Trente cinq ans plus tard, quand Pierre fut de retour, et qu’il rappela de lui-màªme cet incident, ce fut pour elle une forte preuve d’identité. S’il n’eut pas été réellement son enfant, comment aurait-il pu deviner cette circonstance et ce secret qu’elle avait toujours refoulés au-dedans d’elle-màªme?8

D’après le récit de Proulx, Pierre Cholet a été reconnu par ses parents en septembre 1881 et non pas en 1880. Si la reconnaissance par les parents a eu lieu 35 ans après la disparition des enfants, il faut indubitablement conclure que cette disparition a eu lieu en 1846: 1881 moins 35 = 1846. En outre, chez le curé Rémillard, lors de la visite du père Cholette, de son épouse et du fils retrouvé, le père crie au miracle puisque, dit-il: Mon garà§on qui était perdu depuis trente-cinq ans, je l’ai retrouvé. 1881 moins 35 = 18469.

Toutefois, nous n’avons pas de preuve documentaire que Proulx connaissait la date de naissance de Délima étant donné qu’il situe sa naissance en automne. Est-ce une erreur de Proulx, un renseignement erroné fourni par Pierre Cholet ou une illustration de certaines imprécisions chronologiques dans un récit bà¢clé en quelques mois? Pour la récréation de ses lecteurs, Proulx s’est livré à  des journées intensives d’écriture en 1886 et 1887 au màªme moment o๠il déménageait dans l’àŽle-Bizard, qu’il avait d’autres ouvrages en chantier, qu’il publiait des articles dans La Minerve, qu’il pràªchait dans des retraites, que son père adoptif décédait fin décembre 1886, qu’il travaillait aux célébrations du jubilé du pape Léon XIII et qu’il préparait un voyage au Témiscamingue pour la mi-mai 1887.

Comment alors Isaà¯e Hamelin peut-il affirmer que les événements sont survenus en 1846 alors que le témoignage d’Hyacinthe Cholette, celui de Rodger Duckett et celui d’Honoré Lauzon parlent de 1841? Il semble qu’Hamelin n’ait pas pris connaissance des autres témoignages avant de donner le sien à  un scripteur dont nous ignorons le nom, mais qui n’est pas le màªme qui a écrit les témoignages d’Hyacinthe Cholette, Honoré Lauzon, Marie-Rose Roby et Antoine Giroux. Le témoignage d’Isaà¯e Hamelin ne mentionne aucun colporteur. Jean-Baptiste Proulx a modifié le témoignage original qui nous a conduit à  la découverte du communiqué du notaire Meilleur de juillet 1846. Les 2 artisans du récit de L’enfant perdu et retrouvé ont non seulement brouillé les pistes, mais ils ont de plus sciemment produit des faux.

Le témoignage de Sophie Cédilot

Sophie Cédilot, l’épouse d’Isaà¯e Hamelin, est la fille de Joseph Cédilot et de Judith Cholette10. Née le 15 septembre 1829, elle a 16 ans et 10 mois en juillet 1846, un an de moins en 1845. Lors des événements de juillet, elle demeure chez son père dans la cà´te Ste-Marie Sud, lot no 2, juste en face du lot d’Hyacinthe Cholette. Les Cédilot sont les voisins immédiats d’Antoine Doucet, le père de Pierre, l’un des enfants disparus. Avant de commenter le témoignage de Sophie Cédilot, il nous semble important de préciser qu’elle n’est pas un témoin direct du passage d’un colporteur dans la cà´te Ste-Marie le jour des événements de la disparition des 3 enfants. Si Sophie Cédilot avait été un témoin direct, son témoignage aurait été tout autre selon nous.

MME ISAIE HAMELIN, Sophie Cédilot: "Quand les petits enfants se sont perdus, je restais chez le voisin de M. Hyacinthe Cholet; je les ai vus élever tout le temps qu'ils ont demeuré avec leurs parents, Ils ont manqué dans l'après-midi; leurs mères pensaient qu'ils étaient allés aux fraises. Il était passé un petit marchand dans la journée, et la mère Cholet avait marchandé de la dentelle, sans en acheter; le petit marchand s'est trouvé mécontent, il lui a dit: Tu te souviendras de moi. D'abord la mère ne fit pas de cas de l'absence de ses enfants; mais quand le soir fut arrivé, comme ils n'étaient pas encore revenus, on commenà§a à  s'inquiéter. Antoine Doucet, le père du petit Doucet qui s'est perdu, avec les deux petits Cholet, m'a crié de sa maison: Les enfants sont-ils chez vous. Je lui répondis que non. Ils avaient l’habitude de venir presque tous les jours. On commenà§a à  les chercher de voisin en voisin, personne ne les avait vus. Antoine Doucet alla voir chez son frère Pierre Doucet, à  la Rivière-à -Delile pensant qu'ils auraient pu se rendre jusque là ; il revint seul. Les deux mères fondaient en larmes, et se lamentaient beaucoup. Nous sommes partis avec les autres voisins, et on s'est mis à  les chercher. Ce màªme soir, tard dans la veillée, papa arriva du lac; en entrant il nous dit: Je ne sais pas ce qu'il y a dans la cà´te, tout le monde, ici et là , crie à  tue-tàªte. Nous lui apprà®mes que les enfants étaient perdus."

Jean-Baptiste Proulx, L’enfant perdu…, p. XI-XII.

Le témoignage de Sophie Cédilot de la préface de Proulx et l’original du 9 mars 1887 reproduit ci-bas sont presque identiques mais comportent des nuances dont il faut tenir compte. Ce témoignage, le plus long des 8 reproduits par Proulx, jette sur les événements un éclairage différent. Cédilot fait une marque au bas de son témoignage entre son prénom et son nom de famille. Elle ne contredit pas le témoignage de son mari sur la disparition des enfants survenue il y a 41 ans, soit en 1846. Comme celui de son époux, le témoignage de Sophie Cédilot a été rédigé par un scripteur dont nous ignorons le nom, mais qui n’est pas Pierre Cholet.

Selon Sophie Cédilot, les enfants sont rapportés disparus dans l’après-midi:

leur parent pancait quil était aller au fraise, il avait passé un petit marchand dans la journé et la mère avait marchandé de la dantelle et elle en a pas acheter le marchant ses trouvé malle content de cela il lui a dit tu te souviendra de moi.

Elle n’est assurément pas présente lors de la visite du petit marchand. Elle rapporte ce qu’on lui a raconté sur la visite plutà´t insolite de ce colporteur.

Selon Sophie Cédilot, on commenà§a à  s’inquiéter lorsque la nuit fut venue alors que les enfants n’étaient pas de retour de leur randonnée aux fraises. Elle mentionne qu’Antoine Doucet, le voisin et père de l’un des disparus, lui a demandé, en criant, si elle avait vu les enfants. Personne ne les avait vus. Elle affirme de plus qu’Antoine Doucet s’est rendu chez son frère Pierre pour savoir s’il ne les avait pas vus. Sa démarche s’avéra infructueuse. C’est alors que les larmes ont commencé à  couler et que les premières recherches furent entreprises avec les autres voisins. Sophie Cédilot se souvient:

que la journé qui ont manqué les trois petit garà§on se tenait par le coup tous les trois et se parlait à  loreille chose quil avait pas habitude de faire et on trouvait cela drole de les voir.

Elle termine son témoignage sur le retour de son père du lac, dans la nuit11. Son père lui demande alors quel est tout ce bruit qu’il entend dans la cà´te Ste-Marie. Elle lui apprend la nouvelle de la disparition des enfants et que des recherches sont en cours.

On peut constater que Proulx a fait des ajouts et des coupures au témoignage de Sophie Cédilot. Il ajoute avant la nuit à  la fin de la menace proférée par le colporteur. Il coupe, entre autres, tout le passage sur le fait que Sophie Cédilot et d’autres personnes ont vu les 3 enfants se tenir par le cou pendant la journée des événements. Proulx coupe également le passage o๠l’on apprend qu’Antoire Doucet, le père de l’un des disparus, demeurait vis-à -vis son frère Pierre.

Qui a raconté à  Sophie Cédilot les événements du passage du colporteur? Pierre Cholet, lui-màªme? Des membres des familles Cholette et Doucet, plus particulièrement les mères des 3 enfants disparus, soit Angélique André dite St-Amant et Marie-Rose Roby? La rumeur populaire faisant le reste? Quand lui a-t-on raconté les détails de cette visite du colporteur? En 1846 ou 35 ans plus tard? Il y a tout lieu de présumer que cette histoire de colporteur est née très longtemps après, soit après le retour à  la maison d’un certain Pierre Cholet en 1881. Nous ignorons pour quelles raisons Proulx et Pierre Cholet ont convenu de supprimer, de conserver ou de modifier tel ou tel passage du témoignage de Sophie Cédilot. Nous naviguons dans les spéculations et les conjectures à  ce sujet. Il demeure néanmoins que le témoignage est modifié et qu’il provient de la cousine germaine de Pierre Cholet.

Autres témoignages?

Tel que raconté par Proulx, le jeune Pierre Cholet, à¢gé de 4 ans 9 mois et 20 jours, est le principal témoin des événements du jour de son propre enlèvement le vendredi 7 juillet 184512. Le Pierre Cholet, qui rencontre Proulx en mars 1887, lui apporte d’autres renseignements qui n’étaient pas consignés dans le cahier remis à  Proulx en février 1886 et qui n’apparaissent pas dans les témoignages reproduits dans la préface. Ces renseignements produisent une certaine confusion chez le lecteur attentif.

Selon le récit de Proulx à  la page 7, Marie-Rose Roby, la mère de Pierre Doucet, aurait été présente lors de la visite du colporteur dans la demeure des Cholette. Cette présence de la mère de Pierre Doucet chez sa voisine n’apparaà®t pourtant pas dans les témoignages reproduits par Proulx, ni màªme dans les originaux. Sur cette présence, dans une note de bas de page, Proulx renvoie d’ailleurs aux témoignages d’Hyacinthe Cholette et de Sophie Cédilot. Toutefois, dans son témoignage, le père Cholette ne parle aucunement de cet épisode d’un marchandage entre les 2 mères et un colporteur de passage. Chez Cédilot, c’est la mère de Pierre Cholet, Angélique, qui conduit le marché avec le colporteur et qui reà§oit des menaces de sa part. Nous pensons que le passage du tableau qui suit est un ajout tardif de Proulx en mars 1887, ajout qui semble inspiré par le témoignage de Sophie Cédilot ou fourni par Pierre Cholet lui-màªme qui a pu discuter de la scène avec Proulx.

Qui nous a volés? Le matin, il était passé un colporteur, avec une voiture comme celle que j'ai décrite; Madame Doucet, la mère de Pierre, qui était chez nous, par manière d'étrivation, lui avait fait déplier sa marchandise; puis elle déclara qu'elle n'avait besoin de rien. Il se choqua, les femmes rièrent (sic). Il leur dit: Vous vous souviendrez de moi, avant qu'il soit nuit. Est-ce que, nous ayant vu rà´der autour de la maison, il nous avait choisis pour ses victimes, et le sujet de ses vengeances? C'est probable. Note de l’auteur

Avons-nous été volés sur (sic) la cà´te Ste-Marie o๠demeuraient nos parents ? Avions-nous, tout en nous amusant, suivi la cloture(sic) de ligne, la longueur des deux terres, environ soixante arpents, jusqu'à  la cà´te de la Rivière-à -Delile(sic)? Quelle heure du jour était-il, lorsque le petit marchand nous entraà®na à  sa voiture? Ce sont autant de questions, auxquelles mes souvenirs effacés ne peuvent répondre. Tout ce que je puis dire, c'est qu'il y avait joliment longtemps que nous avions quitté la maison, et que nous avions marché une bonne distance.

Jean-Baptiste Proulx, L’enfant perdu…, p. 6-8.

Dans ce màªme passage situé à  la toute fin de la 2e partie du premier chapitre du récit, il est pour le moins étrange que Pierre Cholet se pose cette question: Qui nous a volés?, alors qu’en racontant les souvenirs des péripéties de son enlèvement par le colporteur, il dit lui-màªme: Je me rappelle les détails de cet enlèvement, comme si c’était hier. J’y ai pensé si souvent sur la terre étrangère!

La question aurait dà» àªtre: Par qui et pourquoi avons-nous été volés? Est-il possible d’admettre que le véritable motif du crime apparent de ce colporteur envers 3 jeunes enfants prenne naissance à  l’issue de l’échec d’un marché sans doute assez peu lucratif pendant lequel une mère se soit ri de ses grossièretés?

Dans un autre passage du màªme tableau ci-contre, il est aussi question du lieu et de l’heure de l’enlèvement. Les enfants marchent longtemps et màªme sur une bonne distance. Au début du récit, Pierre Cholet se souvient et précise:Nous longeà¢mes la clà´ture de ligne qui va, vers l’ouest, du cà´té des terres de la Rivière-à  Delile […] Nous étions à  jouer sur le bord d’une crique lorsque nous và®mes venir un homme qui avait sur le dos un porte-manteau. 13

Selon Proulx, Pierre Cholet, après une randonnée aux framboises, revient vers 10 heures à  la maison pour demander une beurrée à  sa mère qui la lui refuse en lui donnant une tape maternelle. Il repart avec son frère Toussaint et Pierre Doucet pour aller de nouveau aux framboises à  350 mètres de la maison sur la terre du 2e voisin d’Antoine Doucet, le voisin d’en face. Supposons que les enfants se rendent chez ce 2e voisin et qu’ils se dirigent vers le sud sur la longueur des 2 terres d’Antoine et de Pierre Doucet. Ils franchissent alors plus de 60 arpents(3,5 km) et s’arràªtent pour s’amuser vraisemblablement non loin de la rivière Delisle près d’une crique. S’ils quittent la maison vers 11 heures et marchent près de 4 km, c’est vers 13 ou 14 heures qu’ils auraient rencontré le petit marchand, l’étranger au porte-manteau. Si Pierre Cholet se souvient d’avoir marché une bonne distance, il n’est plus dans le chemin de la cà´te Ste-Marie chez le 2e voisin qui demeure à  350 mètres.

Pierre Cholet a des souvenirs précis en début de chapitre, mais des souvenirs confus en fin de chapitre. Il dit se souvenir de plusieurs faits, mais pas du lieu précis de son enlèvement, et non plus exactement de son kidnappeur. Comment peut-il de plus raconter que ce kidnappeur l’aurait enlevé par vengeance? Il se souvient d’une beurrée, des harts aux petits chats, des bébelles, du colporteur et de sa charrette, etc., mais il laisse planer un doute sur l’exactitude de souvenirs importants pour la compréhension des événements. Ses souvenirs auraient-ils été inventés par lui ou par sa famille longtemps après les événements?

Le petit Toussaint Cholet a 2 ans et 8 mois en 1845, un an de plus en 1846. Sous le soleil de juillet, il fait preuve d’une certaine intrépidité à  son à¢ge pour suivre son frère et pour marcher aussi loin que 60 arpents14. Dès notre première lecture de l’œuvre de Proulx, il nous est apparu pour le moins bizarre que la mère ne témoigne pas et qu’elle ne s’inquiète de son jeune enfant qu’assez tard la nuit venue, si on accepte le témoignage de Sophie Cédilot. Les recherches ont commencé chez les voisins, dans la parenté, chez les amis, mais pas dans les bois. Il n’est pas question de chercher un colporteur. S’il est passé un colporteur proférant des menaces, les témoignages ne révèlent aucune preuve solide contre lui après 35 ans. Il est difficile d’accepter sans preuves que c’est un colporteur qui a enlevé les enfants.

En juillet 1846, la mère de Pierre Cholet est enceinte de 8 mois de sa fille Délima. La famille Cholette compte déjà  une dizaine d’enfants issus des 2 mariages. Justine, l’aà®née est née en 1825; c’est la marraine de Pierre Cholet. Viennent ensuite, du premier lit, Domithilde, née en 1827; Franà§ois-Xavier-Olivier, né en 1831; Mathias, né en 1833; Israà«l, né en 1835. Du second lit, vient ensuite Angélique, née en 1838. Pierre Cholet est né en 1840, son frère Toussaint en 1842. Le petit dernier est Hyacinthe; il a 20 mois le 7 juillet 1846. Au moment des événements, la famille d’Antoine Doucet compte 5 enfants nés entre 1836 et 1845. Que font les enfants en cette journée fatidique de la disparition de 3 d’entre eux? Sont-ils à  l’école en ce début de juillet? à€ quelle école? Celle de la cà´te Ste-Marie? Est-elle construite en 1845 ou 1846? Pourquoi les autres enfants plus à¢gés que les 3 disparus n’ont-ils pas laissé de témoignage comme celui de Sophie Cédilot, la cousine germaine de Pierre Cholet?

Devant l’absence de preuve documentaire, il est permis, avec réserve, de penser que les enfants se sont égarés dans les bois, qu’un incident tragique est peut-àªtre survenu, que les enfants ont péri et ne furent pas retrouvés. On ne signale pas l’aide de la milice et des autorités seigneuriales pendant les 15 jours de recherche. La police n’intervient pas. Il n’y a pas d’enquàªte, pas d’interrogatoire, pas de cueillette de renseignements, pas de signalement des enfants et du colporteur. Les spéculations ne sont pas des preuves historiques, mais le questionnement et le doute peuvent indiquer des pistes pour trouver des preuves. Un colporteur, qui connaà®t bien Montréal puisqu’il ira y vendre les enfants, se rend à  St-Polycarpe en charrette avec une femme et une enfant de 6 ans pour vendre sa marchandise. A-t-il vendu des marchandises dans d’autres paroisses de la région ou dans le village de St-Polycarpe? Il n’y a pas de témoignages à  ce sujet. L’a-t-on vu circuler dans la région? Il n’y a pas de témoignages à  ce sujet. Est-ce que le colporteur avait un nom? Il n’y a pas de témoignages à  ce sujet 15. Le colporteur avait aussi un canot qu’il avait laissé sur le bord du St-Laurent ou sur le bord de la rivière Outaouais, puisqu’il prend le canot pour se rendre à  Montréal, mais rien n’est connu sur le lieu exact o๠il a caché le canot et sur le lieu o๠il a dà» abandonner son cheval, sa charrette et sa marchandise. Le colporteur avait-il des complices? Malgré les recherches, personne n’a retrouvé le cheval et la charrette avec les marchandises. Par quelle rivière le colporteur s’est-il rendu à  Montréal, alors qu’il devait franchir des rapides? A-t-il traversé le fleuve St-Laurent? Il a voyagé une partie de l’après-midi et toute la nuit. S’il voyage de nuit, c’est qu’il connaà®t bien les lieux et donc qu’il était déjà  venu dans la région. Comment peut-on se rendre de Vaudreuil à  Montréal en canot? Si tous les renseignements sur le colporteur étaient connus ainsi que son signalement et les événements du 7 juillet 1845 ou 1846, pourquoi faire une battue, pourquoi la police n’a pas fait enquàªte et n’a pas recueilli des témoignages au moment de la disparition? Toutes ces questions demandent des réponses.

Témoignages contradictoires?

Dans le récit de Proulx sur l’épisode de l’enlèvement, les témoignages les plus étranges proviennent de la famille Gauthier de Lancaster ainsi que d’Angélique André dite St-Amant et de Délima Cholette, la mère et la sÅ“ur du héros Pierre Cholet. D’après le récit de Proulx, leurs témoignages, quoique tardifs, semblent antérieurs aux 8 témoignages du mois de mars 1887. Établissons quelques faits avant de citer leurs témoignages tirés du récit de Proulx et non de sa préface.

Selon Proulx et la tradition littéraire qui s’ensuivit, Pierre Cholet disparaà®t en 1845. Rien n’est publié ou connu sur un enlèvement par un colporteur entre 1845 et 1881, sauf le communiqué du notaire Joseph Meilleur que nous ignorons dans cette démonstration. En aoà»t 1881, Pierre Cholet travaille à  la manufacture de coton de Cornwall en Ontario, demeure en pension chez un certain Robidoux et fait la connaissance de Mathilde Gauthier, 22 ans16. Pierre Cholet raconte son histoire à  Mathilde. De fil en aiguille et par un heureux concours de circonstances, Pierre Cholet est reconnu par ses parents en 1881. Il écrit par la suite le récit de sa vie dans un cahier qu’il apporte à  Jean-Baptiste Proulx qui utilise le màªme cahier comme source primaire pour composer et publier en 1887 L’enfant perdu et retrouvé ou Pierre Cholet.

Selon le récit de Proulx, p. 168-169, Mathilde Gauthier se rend chez ses parents qui demeurent dans le canton de Lancaster, non loin de Cornwall, et jouxtant la frontière du Québec:

Au mois d'aoà»t, Mlle Gauthier alla se promener chez son père, M. Joseph Gauthier. Ils lui demandèrent: M. Robidoux a-t-il bien des pensionnaires? Six, trois filles et trois hommes. […] il y en a un qui fait pitié. Il a été enlevé de chez son père à  l'à¢ge de cinq ans, avec un petit frère qui en avait quatre, et un petit cousin qui en avait six. […] Quel à¢ge peut-il avoir, demanda madame Gauthier? Environ quarante ans. Comme tu contes, à§a bien l'air du frère de madame Isidore Hamelin, la fille de M. Hyacinthe Cholet, de St-Polycarpe.

Madame Gauthier a donc souvenance d’un enlèvement survenu il y a plus de 30 ans. Elle fait immédiatement un lien avec la disparition des enfants, ce qui semble assez extraordinaire et providentiel étant donné l’absence d’un témoignage écrit de sa part.

Plus loin dans le récit, p. 169-170, lorsque madame Gauthier rencontre Délima Cholette, elle demande à  Délima, l’épouse d’Isidore Hamelin:N'avez-vous pas perdu, madame Hamelin, un petit frère? Il me semble avoir entendu dire cela.

Elle l’a entendu dire par qui? Par les parents des disparus? Par la rumeur populaire? Par les journaux? Pourquoi seulement un petit frère? Pourquoi n’existe-t-il aucun témoignage écrit de Mathilde Gauthier, de Joséphine Gauthier, de Robidoux, d’Isidore Hamelin et de son épouse Délima Cholette sur cette circonstance toute providentielle qui va conduire à  la reconnaissance de Pierre Cholet par ses parents?

Délima réplique à  madame Gauthier:Hélas non seulement un, mais deux, avec un petit cousin. Jamais, depuis leur disparition, nous n'en avons eu ni vent, ni nouvelles.

Délima confirme donc une disparition, non pas un enlèvement. Mais:

Là -dessus madame Gauthier lui raconta ce que sa fille [Mathilde] avait rapporté de Cornwall. - Franchement, répondit madame Hamelin [Délima Cholette], histoire s’accorde parfaitement avec l’enlèvement de mes petits frères. Je désirerais bien voir cet homme-là , d’autant plus que vous dites qu’il me ressemble.17

Comment Délima Cholette peut-elle affirmer que cela s’accorde parfaitement avec l’enlèvement de ses petits frères et d’un cousin qui ne l’est pas en réalité, si l’enlèvement était un fait que Mathilde et Joséphine Gauthier venaient juste d’apprendre et que ce fait était encore inconnu de la propre mère de Pierre Cholet?

En effet, selon le récit de Proulx, p. 178-179, quelques heures avant le retour de Pierre Cholet à  la maison paternelle, c’est un oncle de Pierre Cholet qui aurait raconté aux parents, en peu de mots, l’histoire rapportée de Cornwall par Mathilde Gauthier.

Mon oncle Latreille avait pris les devants, pour aller avertir de notre arrivée mon vieux père et ma vieille mère; il avait peur qu'une surprise trop subite ne leur fit du mal. Il arriva trois heures avant nous. - Hyacinthe, dit-il, ton garà§on que tu croyais perdu pour toujours est arrivé. - Quel garà§on ? - Le plus vieux des deux que tu as perdu, il y a trente ans, Pierre - Et l'autre? - Il est mort, ainsi que le petit Cayen. Et mon oncle leur raconta en peu de mots notre enlèvement, ma désertion et mes longues recherches. D'abord les deux vieillards crurent à  une mystification; mais, à  la fin, monsieur Latreille paraissait si sérieux, il répétait avec un si grand air de vérité : - Je te dis, Hyacinthe, que ton garà§on est retrouvé, qu'il s'en vient avec Hamelin, qu'il va àªtre ici dans quelques heures, qu'à  la fin ils se laissèrent persuadés.

Proulx a donné auparavant la parole à  Délima Cholette qui relate un fait qu’elle est censée ne pas connaà®tre puisque sa propre mère, la mère de Pierre Cholet, ignore ce fait selon le passage suivant de la page 181:

Ma mère s'avanà§a, s'appuya les deux mains sur la table, et me dit, avec des paroles entrecoupées: Est-ce bien vrai que vous avez été volé? A ces mots, elle faiblit sur ses jambes, et elle allait s'affaisser sur elle-màªme, lorsque plusieurs femmes la saisirent, et la menèrent tranquillement s'asseoir sur un sofa.

Si la mère pose la question sur le vol de son enfant, c’est qu’elle ignore l’histoire de l’enlèvement qu’elle vient juste d’apprendre de son beau-frère Latreille par l’entremise de la famille Gauthier. La mère veut obtenir une confirmation des faits rapportés par son beau-frère Latreille. Comment sa fille Délima peut-elle connaà®tre cette histoire d’enlèvement avant màªme qu’elle ne lui eut été racontée par Joséphine Gauthier?

Les contradictions entre les témoignages des proches de Pierre Cholet tels que racontés par Proulx et les incohérences chronologiques de cette histoire d’enlèvement sont frappantes. Il faut donc chercher ailleurs, dans la littérature, dans les journaux, dans les écrits et dans la correspondance des gens de St-Polycarpe, une preuve que cette histoire d’enlèvement était connue de la famille Cholet entre le 7 juillet 1846 et le début de septembre 1881, soit avant la rencontre des Gauthier de Lancaster avec Délima Cholette. Nous n’avons rien relevé sur cet enlèvement dans La Minerve après le 20 juillet 1846 jusqu’en novembre 1846. Il est plausible d’affirmer que les enfants sont disparus dans des circonstances inexpliquées ou inexplicables. Il est possible que ce soit Proulx qui se trompe par négligence ou par le trouble que lui cause la rédaction de son récit18. Nos recherches sont infructueuses sur ce sujet tout comme l’ont été celles relatées par Proulx sur la disparition des 3 enfants dans la cà´te Ste-Marie.

Recherches infructueuses

Dans une lettre du 21 novembre 1886, Proulx informe Pierre Cholet qu’il a terminé l’écriture de L’enfant perdu et retrouvé depuis 3  semaines19. L’abbé fait remarquer à  son héros qu’il n’est pas venu le voir dans l’àŽle-Bizard pour lui fournir des détails et des éclaircissements supplémentaires afin de compléter l’ouvrage dans ses derniers raffinements. Il lui écrit de plus qu’il ne pourra le recevoir qu’après Noà«l en invoquant des empàªchements à  propos de retraites pendant lesquelles il doit pràªcher. Franà§ois-Xavier Brunet, le père adoptif de Proulx, étant décédé le 28 décembre 1886, la rencontre prévue en décembre est de nouveau reportée à  une date ultérieure, si bien que c’est en mars 1887 que Proulx revoit de nouveau Pierre Cholet le 10 ou le 11 mars 1887. Il est fort probable que Pierre Cholet se soit rendu le 11 chez l’abbé apportant avec lui les témoignages des 9 et 10 mars. Selon nous, les témoignages servent immédiatement à  la composition de la 5e et dernière partie du premier chapitre, partie intitulée Recherches infructueuses. Grà¢ce aux témoignages apportés par Pierre Cholet, l’abbé rédige non seulement la 5e partie du premier chapitre, mais ajoute encore, à  sa faà§on, les interrogations reproduites dans le tableau de la page 5 sur les intentions malveillantes du colporteur et sur le lieu de l’enlèvement20.

à€ notre avis, la digression en flashback du premier chapitre, Recherches infructueuses, constitue une brisure dans le fil du récit. En effet, comme Proulx a terminé l’ouvrage depuis 4 mois selon une chronologie basée sur un enlèvement en 1845 et des retrouvailles en 1881, cette digression nous conduit à  penser que le vénérable abbé fut surpris de voir des témoignages déposés devant lui indiquant que la disparition des enfants avait eu lieu en 1841 et que les retrouvailles étaient survenues en 1882. L’historien Jean-Baptiste Proulx fit-il alors un effort de dernière minute pour rafistoler les dates et les renseignements des témoignages afin de les rendre conformes au récit qu’il avait terminé depuis 4 mois? Reconnu pour ses reportages et ses chroniques, le curé de l’àŽle-Bizard doit partir à  la mi-mai pour le Témiscamingue en voyage de mission21. Le temps presse. Est-il frappé par une naà¯ve inconscience ou agit-il en toute connaissance de cause? Il s’installe à  son pupitre, ajoute la digression et bà¢cle en peu de temps un récit comportant de nombreuses erreurs d’orthographe et de logique. Il rédige un faux en utilisant de faux témoignages, en retranscrivant et interprétant le manuscrit et les paroles de Pierre Cholet. Il fait peu de cas de la démarche historique et s’en remet à  sa réputation d’homme de lettres reconnu.

Dans le premier alinéa de la 5e partie du premier chapitre du récit, le héros Pierre Cholet invite le lecteur à  revenir à  la maison paternelle de St-Polycarpe o๠se sont déroulés les événements de sa disparition. Cholet avertit le lecteur qu’il n’a appris les détails des infructueuses recherches qu'à  son retour à  St-Polycarpe lors des retrouvailles avec ses parents, en septembre 1881, ou en 1880, ou en 1882!!!

Recherches infructueuses, deuxième alinéa, page 14
Nos mères ne s'aperà§urent de notre disparition que dans l'après-midi
Selon les témoignages d’Isaà¯e Hamelin et de Sophie Cédilot, les enfants ont manqué dans l’après-midi. Hyacinthe Cholette mentionne que la disparition est constatée dans l’après-midi du vendredi 7 juillet 1841 – en juillet 1845 chez Proulx –, vers 4 heures, après le passage d’un colporteur. Selon Pierre Cholet, dans L’enfant perdu…, p. 6, le colporteur est passé le matin à  la demeure de ses parents. Les mères des 3 jeunes enfants ne furent-elles inquiètes de l’absence de leurs jeunes enfants que vers 4 heures dans l’après-midi?
elles coururent d'abord chez les voisins, et elles furent surprises de ne pas nous y trouver
Dans les témoignages, aucune mention n’est faite de recherches effectuées par les mères dans l’après-midi. La mère Cholette ne fait pas de cas des menaces du colporteur selon le témoignage de Sophie Cédilot. Cette dernière mentionne que c’est la nuit venue – le soir arrivé selon Proulx – que les recherches ont commencé chez les voisins. Si les mères vont chez les voisins, elles vont assurément chez leur voisin immédiat Joseph Cédilot, le père de Sophie Cédilot qui a 15 ou 16 ans lors des événements et qui a vu grandir les 3 jeunes enfants. La mère de Pierre Cholet ne semble pas se culpabiliser pour la tape qu’elle lui a donnée lorsqu’il lui a demandé une beurrée un peu après 10 heures du matin. Pourtant, elle raconte avoir regretté cette tape à  l’origine d’une répartie de son fils la menaà§ant de ne plus revenir. Probablement que la mère ne fit pas de cas non plus de cette répartie enfantine, sans compter que Sophie Cédilot a dà» lui dire qu’elle avait vu les 3 enfants se parler à  l’oreille et se tenir par le cou durant la journée. Si on situe la scène en 1846, il est difficile de croire qu’Angélique André dite St-Amant ait couru chez les voisins alors qu’elle était enceinte de 8 mois de sa fille Délima.
les uns n'avaient eu aucune connaissance de nos allers et venues, les autres nous avaient vus jouer sur le chemin et nous amuser à  bà¢tir de petits fours dans le sable, c'était tout
Certains n’ont pas vu les enfants, mais le témoin Augustin Bélanger les a vus faire des petits fours sans toutefois indiquer à  quel endroit précisément. Sophie Cédilot a vu les 3 enfants se parler à  l’oreille et se tenir par le cou on ne sait à  quelle heure, et c’était inhabituel et drà´le. Plus tard dans la soirée, Sophie Cédilot répond à  Antoine Doucet que les enfants ne sont pas chez elle.
Le père de Pierre Doucet se rendit vers le soleil couché à  la Rivière-à -Delile chez son père, pensant que nous aurions pu marcher jusque-là . Il revint tout découragé.
Selon Sophie Cédilot, Antoine Doucet se rend chez son frère Pierre, et non chez son père Pierre comme l’écrit Proulx. Le passage Vers le soleil couché n’apparaà®t pas dans les témoignages; il sonne faux. Il s’agit d’une erreur syntaxique de Proulx. Il faut peut-àªtre lire: se rendit, le soleil couché, à  la Rivière-à -Delile. Selon Cédilot, Pierre Doucet demeure vis-à -vis son frère d’Antoine Doucet sur le bord de la rivière Delisle. Pierre Cholet et ses compagnons d’infortune auraient suivi la clà´ture de ligne qui longe la terre d’Antoine Doucet et celle de son frère Pierre Doucet. Qui a raconté à  Pierre Cholet, qui a raconté à  Proulx, que les enfants auraient pu marcher jusquâ€™à  la rivière Delisle? Mystère, fiction ou inventions postérieures?
Sans perdre de temps, les deux familles éplorées, avec l'aide des voisins, se mirent à  battre les bois des environs; ils passèrent toute la nuit et toute la journée du lendemain qui était un samedi, à  chercher, à  appeler, à  crier, mais en vain.
Si les enfants ont manqué dans l’après-midi et que les recherches ne commencèrent que la nuit venue, les familles éplorées ont certainement perdu beaucoup de temps. à€ notre avis, les 2 familles ne croient pas, en cette période d’incertitude et d’anxiété, que leurs enfants ont été enlevés par un colporteur. Ce passage fait référence aux témoignages de Sophie Cédilot et d’Isaà¯e Hamelin. Le passage sur la journée du lendemain, qui était un samedi, fait référence au témoignage d’Hyacinthe Cholette. Mais, cette journée du lendemain du 7 juillet 1845 n’était pas un samedi, pas plus qu’en 1841 ou qu’en 1846.

Le 3e alinéa décrit la poursuite des recherches après constatation que les 3 enfants demeuraient introuvables après les recherches effectuées le jour et la nuit de leur disparition. Proulx cite en preuve les témoignages qu’il a reproduits dans sa préface, mais ce faisant, il commet des erreurs évidentes quant à  la chronologie des événements, quant à  la description des lieux et quant aux témoignages qu’il prétend avoir recueillis après avoir fait circulé une lettre auprès de personnes qu’il jugeait dignes de confiance. Proulx ajoute une touche dramatique à  la situation.

Recherches infructueuses, troisième alinéa, page 14 à  16
Le dimanche, le curé de St-Polycarpe, M. Robert, ne dit qu'une basse messe, il annonà§a à  son prà´ne qu'il n'y aurait pas de vàªpres, invitant toute la paroisse à  se joindre aux parents dans leurs recherches
Proulx utilise le témoignage d’Hyacinthe Cholette sur l’assistance à  la basse messe et sur l’invitation faite aux paroissiens par le curé Robert de participer aux recherches. L’annonce faite au prà´ne n’est pas dans les témoignages; une déduction de Proulx sans doute. La consultation du cahier de prà´ne de St-Polycarpe, s’il existe et s’il est conservé, pourrait nous éclairer sur le sermon du curé en ce dimanche 9 juillet 1845, mais est-ce en 1845, en 1841, ou en 1846? Toutefois, le dimanche 9 juillet 1845 ne figure pas au calendrier universel, puisque le 7 juillet 1845 était un lundi. Il faudrait consulter le cahier de prà´ne de l’année 1846. Il est peu probable que toute la paroisse ait assisté à  la basse messe un jour de semaine. Par la voix de l’abbé Proulx, le curé Robert assume sans doute que son invitation sera communiquée à  toutes les ouailles de la paroisse.
M. Roux, des Cèdres, fit à  ses paroissiens la màªme invitation.
Proulx utilise le faux témoignage d’Honoré Lauzon. Le curé Maurice Roux – Leroux dans le témoignage de Lauzon – est arrivé aux Cèdres en 1849 et n’a pu faire une telle invitation à  ses paroissiens. Lauzon fait un faux témoignage ou se trompe de curé; il ne se souvient plus, après 40 ans, du nom du curé de l’époque. Ce bout de phrase sert aussi à  justifier que des recherches ont eut lieu dans d’autres paroisses. Mais, à  notre connaissance, rien n’est paru dans les journaux de l’époque sur l’ampleur municipale et régionale des recherches.
Des centaines de personnes se portèrent sur la cà´te Ste-Marie; d'abord on parcourut les champs et les bois qui s'étendaient au sud de la concession du cà´té de la Rivière Delile, puis ceux qui se trouvaient au nord, du cà´té du domaine de M. de Beaujeu.
Dans son témoignage, Hyacinthe Cholette parle de 500 ou de 1000 personnes; Giroux, de 400; Bélanger, de 200. La précision géographique sur la situation du domaine de M. de Beaujeu est erronée. Au nord de la cà´te Ste-Marie se trouve le canton de Newton dans lequel les de Beaujeu ne possèdent pas de domaine comme tel. Georges-René Saveuse de Beaujeu, le seigneur de l’époque, est propriétaire de la seigneurie de Nouvelle-Longueuil et possède des terres un peu partout dans la seigneurie dont certaines situées dans la cà´te Ste-Marie et d’autres dans le canton de Newton. Dans les enivrons, le seigneur a aussi concédé des terres, sans doute boisées, à  ses enfants.
La troupe s'avanà§ait sur une seule ligne, comme une armée rangée en bataille, chaque homme se tenant à  quatre ou cinq pieds de son voisin, afin d'àªtre certain de ne laisser aucun sentier qu'il ne fut battu, aucune retraite qu'elle ne fut visitée, aucun fourré qu'il ne fut fouillé.
Cette description des recherches provient des témoignages d’Antoine Giroux et d’Isaà¯e Hamelin. Proulx donne au texte un style épique et précieux.
La cloche de l'église sonnait presque continuellement, pour donner un signal aux petits enfants s'ils vivaient encore, et pour empàªcher les grandes personnes elles-màªmes de s'égarer dans ces bois, qui étaient dans ce temps-là  d'une étendue considérable.
L’utilisation de la cloche pour avertir ou pour guider les paroissiens est signalée dans les témoignages d’Hyacinthe Cholette, d’Augustin Bélanger et de Rodger Duckett. Sur l’étendue boisée des cà´tes de St-Polycarpe à  l’époque, il y aurait lieu de faire une étude plus poussée. Le communiqué du notaire Meilleur nous invite à  croire que, si les foràªts étaient vastes à  l’époque, il y avait aussi des sentiers praticables mais dans lesquels ils pouvaient àªtre faciles de s’égarer ou de perdre le sens de l’orientation, surtout chez des enfants en bas à¢ge.
Quelques-uns tiraient du fusil, d'autres jouaient du porte-voix: c'était un bruit, un vacarme continuel que l'écho se renvoyait d'un bout à  l'autre de la paroisse.
Cette description provient du témoignage d’Isaà¯e Hamelin. Sophie Cédilot mentionne que son père a entendu des bruits de voix dans les bois lors de son retour du lac St-Franà§ois le soir de la disparition des enfants. On peut s’interroger sur l’utilisation des porte-voix. Est-ce que c’est la milice qui a fourni les porte-voix ou est-ce que les habitants de la cà´te Ste-Marie en possédaient ou savaient en fabriquer?

Les 2 derniers alinéas de Recherches infructueuses relatent les derniers efforts pour retrouver les enfants et la peine qui affecta les familles après les recherches.

Recherches infructueuses, quatrième et cinquième alinéas, pages 16 et 17
Ces recherches se continuèrent pendant quinze jours, et elles furent poussées jusque dans les paroisses voisines.
Les recherches durèrent 15 jours selon les témoignages d’Hyacinthe Cholette, Isaà¯e Hamelin et Antoine Giroux. Augustin Bélanger déclare avoir cherché pendant 4 ou 5 jours. C’est Hyacinthe Cholette qui indique que des recherches ont eu lieu dans Beauharnois et Chà¢teauguay, qui ne sont pas des paroisses voisines. Comment des enfants si jeunes auraient-ils pu se rendre de l’autre cà´té du fleuve St-Laurent, si tumultueux à  l’époque entre les rapides de Coteau-du-Lac et ceux de Pointe-des-Cascades?
D'abord on était anxieux de nous retrouver vivants; puis, quand cet espoir fut perdu, on se serait cru encore heureux de tomber sur nos cadavres, afin de les confier à  la terre sainte, et de faire cesser toute inquiétude dans l'esprit de nos parents. Nos mères surtout ne pouvaient se consoler. S'ils avaient rendu le dernier soupir, disaient-elles, dans leurs lits, nous nous soumettrions plus facilement à  la volonté de Dieu. Hélas! sont-ils morts après bien des tortures? Ont-ils été dévorés par les loups? Sont-ils devenus la pà¢ture des oiseaux de proie? Cruelle incertitude qui nous écrase!
La mention de l’anxiété et de la peine des parents provient des témoignages d’Honoré Lauzon, version originale, ou de Marie-Rose Roby, version Proulx. Hyacinthe Cholette indique quant à  lui, dans un vocabulaire choisi par un illettré, qu’une mer d’amertume s’est abattue sur eux après l’échec des recherches. Les mères spéculent sur le sort des enfants: tortures, loups et oiseaux de proie, mais elles n’accusent directement aucun colporteur ou étranger de méfait.
Ce leur fut une peine qui ne s'effaà§a jamais entièrement de leur mémoire. De longues années plus tard, quand, seul des trois enfants perdus, je revins aux lieux de ma naissance, je trouvai que la blessure vivait encore au fond des cÅ“urs.
Isaà¯e Hamelin déclare ne pas avoir oublié les événements 41 ans après; Proulx écrit 42 ans. L’abbé pràªte à  Marie-Rose Roby, la mère de Pierre Doucet, des sentiments qui ne sont pas dans son témoignage, des sentiments qui sont exprimés cependant dans le faux témoignage d’Honoré Lauzon.
Conclusion

Au terme de la publication de ces 3 volets traitant des 8 témoignages de la préface de Proulx, il demeure des faits incontournables, mais aussi plusieurs questions sans réponses. Proulx et Cholet ont produit un récit embrouillé, des faux en regard des originaux conservés à  BAnQ. Il est toutefois difficile d’établir les raisons pour lesquelles Proulx et Cholet les ont produits. La confusion frappe le lecteur attentif: anachronisme, incongruité, imprécision, absence de la police et de la milice, sources indirectes, absence de témoignages comme ceux de la famille Gauthier, des autres enfants Cholette et Doucet, de Délima Cholette décédée en 1931, etc. Mais, le communiqué du notaire Joseph Meilleur du 20 juillet 1846 est véridique et, de ce fait, sont aussi véridiques les témoignages d’Isaà¯e Hamelin et de Sophie Cédilot sur l’année des événements.

On a perdu Pierre Cholet. Le véritable Pierre Cholet, le fils d’Hyacinthe Cholette et d’Angélique André, né le 28 septembre 1840, disparu en juillet 1846, n’est pas celui décrit par Proulx en 1887. Il faut chercher ailleurs et autrement les faits relatifs à  la disparition de 3 enfants en 1846. Le Pierre Cholet retrouvé miraculeusement 35 ans plus tard a-t-il commis une imposture ou est-il un àªtre sincère comme le décrit Proulx? Le vénérable abbé n’est-il pas lui-màªme à  la source de cette imposture en présentant des témoignages pour le moins suspects sinon erronés ou falsifiés et en mettant en scène des enfants perdus, un colporteur malveillant, des personnages fictifs, dans une suite d’aventures contestables à  plusieurs égards?

Dans ce dossier Pierre Cholet, faut-il se résigner à  spéculer sur cette histoire de colporteur ou d’étranger qu’il est facile d’accuser étant donné qu’il ne fut jamais retrouvé et qu’il n’existe aucun témoignage externe sur sa présence à  St-Polycarpe ou dans la région de Vaudreuil-Soulanges au moment des événements. La peur de l’étranger est un thème passablement véhiculé à  l’époque et encore aujourd’hui.

Jean-Luc Brazeau
Copyright © Centre d’histoire La Presqu’à®le, 2008.


  1. L’œuvre de Jean-Baptiste Proulx est accessible dans la Collection numérique de BAnQ.
  2. P107, Fonds Séminaire Sainte-Thérèse-de Blainville, BAnQ, Centre d’archives de Montréal.
  3. Sur les liens de parenté entre les familles Hamelin et Cholette, on consultera Jeannine Rioux-Thauvette, Répertoire des baptàªmes, mariages et sépultures de Saint-Polycarpe, comté de Soulanges, 1819-1990. St-Polycarpe, La Société d’histoire et de généalogie Nouvelle-Longueuil St-Polycarpe, 2005. 3 volumes.
  4. On peut consulter le recensement canadien de 1881 sur le site de Familysearch.org
  5. Sur la rencontre de l’abbé Proulx et d’Angélique André, voir la préface de L’enfant perdu…, page VIII. Nous avons retrouvé (P107/77-698) une lettre du curé Champoux de St-Polycarpe du 15 février 1887 dans laquelle il rappelle à  Proulx sa visite de l’été 1886: Je me rappelle encore avec plaisir votre aimable visite de l’été dernier. Puissiez-vous les renouveler souvent, pour ma satisfaction personnelle. Si vous venez, n’oubliez pas de bien garnir d’anecdotes de voyages le département de votre mémoire.
  6. La consultation de La Minerve de juillet à  décembre 1846 ne nous a pas permis de découvrir si les 3 enfants étaient morts et si leurs corps avaient été retrouvés. Nous n’avons pas consulté d’autres journaux comme par exemple The Gazette.
  7. Le curé Joseph-Octave Rémillard a exercé son ministère à  St-Polycarpe de 1870 à  1883 et à  Rigaud de 1883 à  1893. Le texte de cette lettre du 11 mars 1887 sur la rencontre avec le curé Rémillard en 1881 est reproduit presque intégralement dans L’enfant perdu…, pages 186-187
  8. Il semble assez inou௠de constater que cette histoire de la tape de la mère à  son fils ne fut exploitée par Proulx que dans une note en bas de page et qu’elle ne fut pas utilisée en fin de récit comme une preuve importante ayant servi à  la reconnaissance authentique du fils Cholet.
  9. Le témoignage du père Cholette fourni par Proulx dans sa préface indique que les retrouvailles eurent lieu en septembre 1880. Mais dans l’original, le père Cholette parle de septembre 1841 comme date de disparition des enfants, ce qui donnerait, après 35 ans, l’année 1876 pour les retrouvailles. Or selon Proulx, en septembre 1876, Pierre Cholet travaillait chez une veuve Montreuil au lac Maskinongé en Outaouais.
  10. Pierre Cholet est le fils d’Angélique André et d’Hyacinthe Cholette dont la soeur Judith Cholette est l’épouse de Joseph Cédilot, le père de Sophie Cédilot. Pour plus de détails, on consultera Jeannine Rioux-Thauvette, Op. Cit.
  11. Il s’agit du la lac St-Franà§ois situé à  8 km au sud de St-Polycarpe.
  12. Proulx commet une erreur en calculant l’à¢ge de Pierre Cholet le 7 juillet 1845. Étant né le 28 septembre 1840, Pierre Cholet a 4 ans 9 mois et 11 jours le jour de sa disparition en 1845; un an de plus en 1846. Proulx n’a pas vérifié, a mal calculé ou a accepté le comput de Pierre Cholet.
  13. En se dirigeant vers l’ouest, il est impossible d’atteindre la rivière Delisle laquelle est située au sud selon l’axe nord-sud des terres.
  14. Selon La Minerve, il a fait très chaud dans la semaine du 7 juillet 1846 et dans la semaine suivant les événements. Dans l’édition du 13 juillet 1846, on rapporte que la canicule sévissait et que de violents orages avaient frappé le sud-ouest du Québec. Le 6 juillet, le Séminaire de St-Hyacinthe avait annulé les examens de fin d’année pour les reporter plus tard en juillet. à€ Montréal, le vendredi 10 juillet, il faisait 32° C, si bien que des personnes perdirent connaissance sous l’effet de la chaleur. Le màªme jour, la foudre frappa des cageux dans une à®le de Boucherville: un mort et 2 blessés. La Minerve publie dans ses pages de nombreux faits divers dont certains relatent des événements survenus dans Vaudreuil-Soulanges. En octobre 1846, on lit par exemple qu’un éboulis emporta une maison et des granges à  Rigaud le long de la rivière à  la Graisse. Une jeune fille fut enterrée vivante.
  15. Dans un article du journal régional La Presqu’à®le du 18 mai 1956, page 2, Robert-Lionel Séguin affirme qu’il s’agit d’un colporteur syrien, mais sans donner aucune référence ni citer aucune preuve documentaire.
  16. En suivant les indications de Proulx au chapitre VII, page 167, nous avons tenté de retrouver ce Joseph Gauthier qui selon lui demeurait dans le rang VIII de Lancaster dans la paroisse St-Raphaà«l, comté de Glengarry. Nos recherches indiquent qu’il y a bien un Jos Geautier dans Lancaster, mais il demeure dans le rang VII, lot 26. Selon d’autres recherches effectuées dans le registre BMS de St-Raphaà«l, nous avons relevé un Joseph Gauthier, époux de Joséphine Leroux ou Lareux. Selon le recensement de 1881, le prénom de l’épouse de Gauthier est bien Joséphine, elle a 48 ans et lui 58. Joseph est né au Québec et son épouse aux ÉUA. Leur fille, Mathilda, est née aux ÉUA; elle a 27 ans. Dans L’enfant perdu…, p. 167, Proulx indique toutefois que Mathilde Gauthier a 22 ans. Il serait profitable, à  notre avis, de pousser plus loin les recherches sur cette famille Gauthier dont le père a séjourné aux États-Unis dans la région d’Onondaga ou de Southwood, un endroit o๠Pierre Cholet aurait travaillé à  transporter de la pruche en 1878-1879 avant son 2e séjour à  Cornwall.
  17. Nous avons relevé que Pierre Cholet ressemblait à  sa mère, à  son père, à  sa soeur Délima, à  son frère Polycarpe et à  un certain Louis Marin de Gloucester, Ontario.
  18. Après la publication de L’enfant perdu… en 1887, le père oblat Jean-Marie Nédélec de Mattawa demande à  Proulx des renseignements au sujet de la récente publication sur Pierre Cholet. Proulx lui répond le 27 novembre 1887: Quant à  Cholet, je vous en envoie un par la malle d’aujourd’hui, le seul que j’aie ici. Je me suis défait de la propriété de cet opuscule et du trouble qu’il entrainait; je l’ai passé aux Frères Viateurs du Mile-End, ceux qui tiennent l’hospice des sourds-muets; ils ont imprimé le volume, le veulent chez eux, et en ont fait des dépà´ts chez les principaux libraires de Montréal, en particulier chez Cadieux-Derome. BAnQ, P107/99-1240.
  19. Dans le prochain article, nous reviendrons sur cette lettre et sur la chronologie de la composition du récit de Proulx.
  20. Ce texte est une transcription d’un passage de L’enfant perdu..., page 6-8. à€ la note 1 en bas de la page 17, Proulx invoque le témoignage de Mme P. Doucet, alors qu’il aurait dà» écrire que c’est celui de Mme Antoine Doucet. Pierre Doucet est le frère d’Antoine.
  21. à€ la fin de la préface de L’enfant perdu…, Proulx signe en date du 24 mai après avoir indiqué que, lors de la publication de l’oeuvre, il sera en voyage dans le Témiscamingue avec Mgr Lorrain. Or, Proulx a quitté Montréal pour le Témiscamingue le 18 mai, il n’a donc pu signer la préface à  St-Raphaà«l de l’àŽle-Bizard le 24. On consultera à  ce sujet les articles parus régulièrement pendant 3 mois dans La Minerve à  partir du 25 mai 1887. C’est pendant ce voyage de mission, qui prit fin le 27 juillet, que L’enfant perdu… fut publié par l’Institution des Sourds-Muets. Le 18 juin 1887, un extrait de l’oeuvre fut également publié dans La Minerve. Chose étrange, il n’est fait aucune mention directe du héros Pierre Cholet.
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